Quel beau spectacle qu’est celui de ces pantalons à un million et demi de millimes tunisiens, ces Polos Paul & Shark et ces lunettes Versace.
Depuis ma tendre enfance j’ai développé une allergie aux riches, à ces personnes bourrées de billets de trente dinars portant l’effigie du célèbre poète tunisien Abou al Kacem Chebbi.
Puis, les années passèrent et je me trouvais dans l’obligation de tenter de me réconcilier avec cette couche sociale qui, pourtant, ne me fascine guère.
Actuellement, à vingt trois ans et des poussières je me rends enfin compte de l’ampleur de l’échec de ce processus de désensibilisation.
Rien qu’aujourd’hui, la simple vue de ces milliardaires du Lions Club qui se bousculaient pour vendre de la camelote pour des gens moins fortunés qu’eux et qui font semblant de s’intéresser à ces actions humanitaires.
Cela a provoqué en moi un ensemble de phénomènes immunitaires qui m'a fait présenter des éruptions cutanées.
Ce que je voyais, ce n’était, en fait que des gens dont le compte en banque permet de voir le lendemain avec sérénité et qui ont inventé cette association pour mieux se retrouver entre gens aisés.
Rien qu’à leur façon de parler, rien qu’à leurs manières de se saluer et seulement en les voyant fanfaronner d’avoir vendu pour Mille dinars de tableaux qu’elle avait peinte elle-même.
Je perds la raison.
J’essaie de garder mon calme.
Je vais voir cette vieille dame aux yeux faussement bleus et aux rides vainement camouflés par je ne sais combien d’interventions.
Je lui demande la raison qui l’a poussé à faire de l’humanitaire.
Elle répond d’un air surpris comme si la réponse était évidente que cela lui a donné l’opportunité de connaître des gens exceptionnels et de se construire au fil des jours un cercle d’amis très enviable vu que c'est un club sélect et qu'elle pouvait être fière d'y appartenir.
Elle reprit enfin hâtivement comme si elle avait oublié un léger détail : « Et puis c’est aussi pour la bonne cause… »
Je te crois sur parole ma chère.
Le capitalisme fait aussi des ravages dans le secteur de l’humanitaire.
Mais tant que c’est « aussi » pour la bonne cause, je dissimulerai mon allergie aussi grande soit-elle.