Les fidèles du Boukornine

vendredi 19 mars 2010

Les délires de minuit, Abdessalem Trimèche et les bricks au thon



A minuit, en ce jeudi, naturellement veille de vendredi (lilet jem3a), des jeunes normo-constitués se gavent de vodka absolut orange et s’injectent de la bonne musique dans les veines.

Des parents ultra-conformistes dorment depuis une heure, et ont forcé leurs enfants majeurs et vaccinés à faire de même ayant l’intime conviction que demain est un autre jour.

Des médecins de garde se réunissent autour d’une théière pourrie, se servant un thé aussi pourri que le contenant et guettant les quintes de toux de ces patients plus vivants que leurs soigneurs pour une paie minable avec en prime les grondements du chef le lendemain matin.

Abdessalem Trimèche, (citoyen tunisien, vendeur de bricks à ses heures perdues et dont le suicide, ultime acte désespéré de bravoure et de refus de l’ordre établi des saisies arbitraires, a soulevé les masses, attisé les passions) git à ce moment même dans un cimetière de Monastir en ayant l’insoutenable crainte de se voir refuser le permis d’être enterré là, de voir se pointer les services municipaux pour lui saisir la pierre tombale le dévêtant de sa dignité pour la énième fois.

Des responsables municipaux monastiriens n’ont pas sommeil.
Des responsables municipaux monastiriens baillent mais ne dorment pas.
Ils damnent, insultent et pleurent cette minable invention qu’on appelle communément « conscience » qui peut dormir pendant des dizaines d’années pour revenir nous hanter tout à coup.

Des bricks au thon gisent dans un réfrigérateur Arthur Martin. A ces bricks on donne de l'importance. Ces bricks ont le droit de séjour, le droit d'exercer, le droit d'avoir des enfants, le droit à la dignité, le droit à la vie, le droit au mariage, le droit de s'exprimer, le droit de se téléporter à Haïti de constater les dégâts du dernier séisme et de revenir aussitôt dans le réfrigérateur.
Contrairement à certains êtres humains... Dont on bafoue parfois même le droit de respirer, sans se brûler les ailes, sans être enterré aux suites de funérailles grandioses mais ô combien inutiles...
Ah si seulement, les bricks pouvaient témoigner...

Un joueur de football professionnel rejoint la bande de jeunes tunisiens supposés normo-constitués aux poches trouées par le poids des sous, jetant par la fenêtre le professionnalisme, la confiance des supporters, l’hygiène de vie et toutes ces conventions ridicules auxquelles il n’adhère pas.

Une femme de ménage, digne représentante de cette masse prolétaire pleure toutes les larmes de son corps de n’avoir pas eu les moyens de fournir un Twix dont les «deux doigts coupent la faim » selon certains témoins, à un enfant dont elle a eu le malheur d’être la mère.

[…]

Pendant ce temps là, un zombie à l’apparence humaine, aux yeux profondément cernés et à la cervelle en bouillie tape machinalement sur les touches de son clavier pour remplir une page de format A4 dans l’unique but de meubler un Boukornine qu’il n’a de cesse de délaisser.
Mais cela n’a pas d’importance, au fond, Abdessalem Trimèche comprendra…
Paix à son âme…