Les fidèles du Boukornine

vendredi 23 décembre 2011

Monologue d'un condamné à aimer son pays à perpétuité




Il est temps de dormir.
Mais comment fermer l'oeil quand ta terre fraîche agonise ?
La dictature te souhaite la bienvenue.
Les assoiffés du pouvoir sont tous aux aguets pour violer ton histoire, la dignité de ton peuple, sous-couverts de la religion, un viol qui se veut halal.
Tunisie, je t'ai sous la peau, je t'ai dans mes sanglots, dans mes rêves et mes réveils difficiles.
Tunisie, je t'ai dans mes frissons, dans mes larmes et quand je trébuche.
Tunisie, j'ai le nez qui coule et le navire de mes utopies qui fait naufrage.
Tunisie, je ne te demande rien, juste le soin de porter haut ton étendard.
Tunisie, je ne crois pas en l'euthanasie, je crois en un Tout-Puissant, je crois en son pouvoir à assurer ta résurrection.
Tunisie, on parle déjà de censure, de népotisme et d'ingérence.
Tunisie, de ta révolution populaire pour la liberté et la dignité, il n'en est foutrement rien !
Tunisie, tes pauvres meurent encore de froid, tes chômeurs se tournent encore les pouces, tes damnés sont plus que jamais regardés de travers et tes marginaux encore oubliés.
Tunisie, tu ne t'en es toujours pas remise de tes anciennes blessures que tes vieux démons resurgissent pour t'asservir à nouveau.
Tunisie, je ne suis qu'un coeur, que deux poumons et qu'un seul et unique foie. Mais j'ai foi en toi, en ton peuple si "stupide" soit-il comme dirait Taoufik Ben Brick de voter délibérément pour sa prochaine dictature.
Tunisie, je dors chaque soir sur l'espoir de te voir heureuse et je me lève tous les matins sur la douloureuse désillusion de te voir prise dans les mailles des mêmes filets qui t'ont paralysé autant de décennies.
Tunisie, je ne m'en irai la conscience tranquille que lorsque je t'aurais offert mon âme et mon corps et tout ce que j'aurais économisé jusqu'ici.
D'ici là dors sur tes lauriers ! Je veille au grain pour que personne ne touche à un poil de ton histoire, de ta  civilisation et de ta formidable présence.
Tunisie, quel sort m'as-tu jeté pour que je ne puisse voir qu'à travers tes yeux ? Respirer que par tes arbres perchés ? et m'exprimer qu'à travers l'harissa avec laquelle tu m'as gavé ?
Quel qu'il soit ne m'en exorcise pas, de grâce ! Combien d'Hommes payeraient de leurs vies pour vivre le centième de mes émois !
Je prend Dieu à témoin, je t'aime de ta Bizerte à ta Borj El Khadhra ! De ta Gammarth à ta Cité Ettadhamen ! De tes bourgeois hautins à tes miséreux condamnés à avoir faim et froid !
Je ne sais pas si cela t'importe ou te procure-t-il une quelconque satisfaction, je sais seulement que tu es belle, que tu coules dans mes veines et que ton adoration est jouissive.
Dors bien ! Fais de très beaux rêves de dignité, de liberté et de démocratie ! Je garde l'oeil pour mordre jusqu'à la moindre intention malveillante. 

dimanche 18 décembre 2011

L'épopée du 17 décembre 2010



Je ne saurais laisser passer la première commémoration de cette date historique sans rédiger un hommage à ces moments inoubliables vécus comme un rêve, inattendus et féeriques.

Loin des projets de loi, de l'organisation des pouvoirs publics, des assemblées plus ou moins constituantes, des élus, de la légitimité des urnes, des rancœurs partisanes et des haines idéologiques, je ne puis que sourire en ruminant, tout seul dans mon coin, ces images de cette foule déchaînée, s'exerçant à ce sport national baptisé le lancer de pavés en direction de fonctionnaires de l'état qui suaient sang et eau pour faire leur boulot dans les règles de l'art, tout de noir vêtus et qui nous relançaient, comme pour nous remercier, des bombes lacrymogènes.

Pour dire vrai, nous n'avions pas besoin de gaz lacrymogène pour avoir les larmes aux yeux. Dans les rues de Tunis, je me souviens très bien de tous ces yeux qui pétillaient.  Ils pétillaient de passion, de dignité, de liberté retrouvée, du bonheur de vivre des moments historiques.
Pourtant, les visages ne se ressemblaient pas, loin de là ! Ils avaient certes ces vagues traits tunisiens qu'on reconnaîtrait facilement parmi des milliers d'autres faciès.
Mais certains étaient balafrés, d'autres couverts de taches de rousseur, il y avait aussi des candides, des utopistes, des geeks sortis de sous leur couette à l'insu de papa et maman et même des demoiselles qui avaient la démarche de lionnes qui se battaient telles des amazones ! Elles étaient, cela dit, quelque peu "safirat" comme dirait notre président intérimaire, même si alors, personne ne l'avait remarqué.

On était tous des citoyens tunisiens en colère. Cette définition nous suffisait. On passait outre la fracture sociale, l'inégalité des sexes, les masses musculaires différentes, le courage inégal, la diversité des morphotypes.
On était tous des héros. On misait gros ! On jouait notre intégrité physique. Malheur à celui qui se faisait attraper par ses policiers armés jusqu'aux dents ! Fractures du mandibule, fracas du carpe et luxations de l'épaule étaient aux aguets, à l’affût de la moindre faiblesse...
Et pourtant personne n'avait peur ou alors de cette peur festive, de cette peur par laquelle on fête le triomphe sur la peur ! La peur de ne plus avoir peur de rien ! La peur de l'inconnu, de pousser ses limites à l'infini !

On était des frères d'armes ! Des "moulathamine" (cagoulés) selon les dires de Ben Ali, même si on avait les visages découverts ! Des guérilleros endoctrinés à ces percepts universels de liberté, de dignité et de révolution ! 

Si vous n'avez pas vécu ces moments historiques in vivo, je ne crois pas que je puisse faire quelque chose pour vous. Vous ne pourrez jamais comprendre pourquoi la peur a été bannie de notre lexique ni l'ampleur des liens qui nous attachent à cette révolution populaire.

On était certes effrayés, la langue sèche, le coeur prés à quitter sa cage thoracique, le transit intestinal accéléré, ayant même le vertige.

Mais comment vous expliquer la toute-puissance qu'éprouve un jeune révolutionnaire en brandissant un bras d'honneur à destination de ses bourreaux, en pleines rues de Tunis, tout près de ce ministère de la torture et de la violation des droits de l'homme ?

Comment vous reproduire la sensation des larmes de bonheur qui sèchent par la force des choses au contact de l'air frais d'un début janvier à mesure que l'on courait pour fuir la sauvagerie de nos détracteurs ?

Comment ne pas tomber amoureux d'un pays qui t'a offert autant d'émotions, qui t'a fait autant déprimer auparavant avant de te rendre l'homme le plus heureux et le plus libre sur terre ?

Je n'oublierai jamais un certain 14 janvier, où après d'innombrables jours de manifs la journée, de blogging et d'insomnie la nuit et de gardes à l'hosto trop souvent, je me retrouvais face au ministère de l'intérieur.
En y allant, j'ai croisé le dispositif impressionnant de policiers qui tenaient des matraques de presque un mètre de long ! L'index levé, la voix enrouée, traînant un mal de gorge atroce, je me suis approché d'eux, les fixant du regard et je leur chantait à demi-voix malgré moi: "Houmet el hima ya houmet el hima, halommou li majd ezzaman, la9ad sarakhat fi 3ourou9ina eddimé2 namoutou namoutou wa ya7ia el watane"

Leurs mains tremblaient, leurs yeux clignaient, ils baissaient leurs regards tour à tour. Je comprenais au fur et à mesure que la peur avait définitivement changé de camp et que les gens ne feront jamais plus marche arrière.
C'était la gloire avant le triomphe. C'était l'émotion avant la délivrance. C'était un moment historique... Je tremble juste en l'évoquant.

J'avoue au départ, je n'y ai pas cru. Je sortais dans la rue dans l'unique but de participer à mon échelle au combat désespéré de mes compatriotes contre la dictature.
Je n'ai jamais cru, jusqu'au dernier moment, que Ben Ali pouvait s'en aller sans nous avoir tous décimé. Je me disais qu'il fallait quand-même envahir les rues quitte à mourir jeune, libre, inconscient et idiot. C'était toujours mieux que de survivre en étant vieux, moche, castré et assujetti.

A ta santé Bouazizi ! A ta santé Sidi Bouzid ! A ta santé Rdayef ! A ta santé Kasserine ! A ta santé Thela ! A votre ta santé toute parcelle de cette terre bénite qui a absorbé le sang de ses enfants défense pour chasser le despote sanguinaire ! A ta santé, ô valeureux Tunisien qui a un jour bouleversé le monde par la poésie de ton combat et ton inébranlable détermination de dégager la dictature devenue soudain insupportable !

Que tous les apprentis dictateurs qui auraient la mauvaise idée de réasservir ce peuple libre et de réitérer le coup d'état de Ben Ali, sachent qu'un détail ô combien important a changé la donne, depuis. Il s'agit bien entendu du facteur Peuple qui est intervenu cette fois-ci.
Si les postes, les escortes et le pouvoir vous reviennent, ne perdez jamais de vue que la rue nous appartient et je reprendrai pour finir la citation de AbulKacem Chebbi qui a été intégrée à l'hymne national tunisien: 

Lorsqu’un jour le peuple veut vivre,
Force est pour le destin de répondre,
Force est pour les ténèbres de se dissiper,
Force est pour les chaînes de se briser 




lundi 5 décembre 2011

استحلفك بالله أن تقرأ هذا قبل الحكم على إعتصام باردو



أخي المسلم، مهما كانت توجهاتك، ومهما كانت إنتماءاتك الحزبية، ومهما كانت الجهة التي تنتمي إليها، فلمجرد التذكير، نقلك إلي احنا إخوة في الله وإلي احنا ولاد أم واحدة، ولاد بلاد واحدة، بلاد عربية إسلامية متفتحة ذات حضارة عريقة تمتد على آلاف السنين.

أخي المسلم، لازمك تعرف إلي في الأنترنات هناك برشة أدمين متاع صفحات وبرشة مواقع باعوا ضمائرهم لأحزاب سياسية، يخدموا ليل ونهار لتزييف الحقائق، ويخدموا كأبواق يحركون الشارع على حسب تعليمات هذه الأحزاب. ياخذوا في شهاري وحواسيب مقابل ترويج إشاعات والقدح في أعراض الناس قصد خدمة بعض التوجهات المشبوهة بعيداً كل البعد عن البحث على مصلحة هذا الوطن العزيز الغالي.

أخي المواطن، في بلادنا صارت ثورة قاموا بيها ناس آمنوا بقيم سامية كالحرية والعدالة والكرامة وحاربوا أبشع الديكتاتوريات في العالم بصدرٍ عاري، أخي المواطن استحلفك بالله أن تبقى وفياً لدماء الشهداء ولهذا نتمنى ما يعديوهاش عليك. 

في ما يخص إعتصام باردو، فما برشة ناس تروج لأكاذيب، وتحارب في المعتصمين بشتى الطرق. نطلب منك أخي المواطن أن تتحلى بأخلاق المسلم وتعمل بقوله تعالى: 
"يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُوا إِن جَاءكُمْ فَاسِقٌ بِنَبَأٍ فَتَبَيَّنُوا أَن تُصِيبُوا قَوْماً بِجَهَالَةٍ فَتُصْبِحُوا عَلَى مَا فَعَلْتُمْ نَادِمِينَ"

يدعون أن إعتصام باردو قام به الأصفار رافضين إختيار الشعب لحركة النهضة. باش نكونوا واضحين لو كان جات هكا الحكاية، مستحيل نضم صوتي لصوتهم.
احترم رأي الأغلبية، وأحترم ما اسفرت عنه الإنتخابات من نتائج، وعاشت سلطة الشعب. 
ولكن من واجب المجتمع المدني أن يتحرك، كيما في كل الديمقراطيات في العالم، كل ما ارتأى أن الديمقراطية والمبادئ التي قامت عليها الثورة في خطر. وكلنا في الآخر نحلمو بنفس الحاجة، تونس حرة مستقلة تكون فيها السيادة للشعب ويكون فيها الشعب حر. 

وللأسف قامت بعض الأطراف ربي يهديهم بالترويج لكون هذا الإعتصام هو صدام بين التيار العلماني الحداثي مع التيار الإسلاموي وجعلوا من مسألة النقاب مسألة جوهرية في هذا التحرك.  
العياذ بالله ثم العياذ بالله. حكاية النقاب هذه لا تعدو أن تكون سوى محاولة بائسة لتحويل إهتمام الشارع من المسائل الجوهرية إلى مسائل شكلية. وباش يكون في علمكم باش يجي وقت يكون فيه نقاش إن شاء الله لتقريب أوجه النظر في ما يخص النقاب وغيرو من المشاغل المشروعة ولكن بعد ما نفضوا المشكلة المصيرية متاع المجلس التأسيسي.
ساعة بربي تعملوا مزية إنساوها حكاية العلمانية، وأعتقني وعنقني وغيرهم. احنا شعب واحد نأملوا أن نتعايش في سلام على إختلاف رؤانا كما كان الأمر منذ عشرات القرون. بالطبيعة نظراً إلي تونس بلد مسلم، لا يمكن أن نقبل بأي مساسٍ كان في ما يخص مقدساتنا وديننا الحنيف. 
ولكن كما قال تعالى: الفتنة أشد من القتل. 
ويا توانسة راكم شعب عظيم ما يخرجش عليكم تحصلوا وتتفرقوا بعض ما كنا صف واحد، جنباً إلى جانب نحاربو في ديكتاتورية بن علي. 


إذن نحاولو نفهمو شنوا صار بالظبط باش الناس خرجت لباردو: 
كل ما في الأمر أن الترويكا وهي كنية للتحالف المتكون من النهضة، التكتل والمؤتمر قدموا مشروع متاع قانون داخلي منظم للسلط بصفة مؤقتة كان فيه على سبيل الذكر الصلوحيات شبه الكلية ماشية عند الوزير الأول وبقطع النظر عن إنتماء الوزير الأول القادم، هذا غير مقبول بالمرة بما انوا يمثل في حد ذاتو أرضية ملائمة لنشأة بوادر إستبداد بالسلطة وهل يعقل يا رسول الله ذلك في بلد مازال كي قام بثورة ضد الديكتاتورية ؟!
يظهرلي لا يختلف إثنان في كون هذا الكلام منطقي ومشروع ولا يمت بصلة لرفض إرادة الشعب.  

وهنا تلقاو بقية المطالب إلي هي سياسية بحتة، ولا تخدم مصلحة حتى جهة على أخرى وإنما تسعى إلى لضمان حق كل الأطراف في وطننا العزيز وحق ولادنا وولاد ولادنا باش يعيشوا في ديمقراطية وهذا أملنا جميعاً ونلقاو فيها حتى إدراج تجريم التطبيع مع الكيان الصهيوني في الدستور إلي هو نتصور مطلب شعبي. 



ء          العدول الفوري عن برنامج تنظيم السلط المؤقت المطروح للنقاش كأمر  مقضي والذي يمثل تأسيسا لدكتاتورية جديدة محورها حزب واحد يسيطر دون أي شراكة أو رقابة على كل دواليب الدولة وسلطها التشريعية والتنفيذية والقضائية والإدارية والإعلامية.
ء          التعديل الفوري لمشروع النظام الداخلي للمجلس الوطني التأسيسي المطروح للنقاش وذلك بفرض أغلبية الثلثين على كل قراراته، وبوجوب تقديم نص مشروع الدستور للاستفتاء الشعبي، تكريسا للديمقراطية الفعلية عبر تشريك عدد ممكن من الناخبين والناخبات. 
ء          اعتماد أغلبية 50% +1 في تزكية الحكومة واعتماد نفس هذه الأغلبية في سحب الثقة منها.
ء          البث المباشر لجميع مداولات المجلس الوطني التأسيسي ولجانه، ونشر كل نصوصه ومحاضر جلساته لعموم المواطنين.
ء          المحاكمة الفورية والعادلة لقتلة الشهداء ورد الاعتبار لجرحى الثورة ماديا ومعنويا.
ء          إرساء الآليات الكفيلة بضمان التنمية الجهوية والتوزيع العادل للثروات.
ء          الاستجابة الفورية لجميع مطالب التشغيل المشروعة في جميع جهات البلاد وإعادة النظر في ملف مناظرة انتداب شركة فسفاط قفصة.
ء          تطهير الجهاز القضائي من رموز الفساد كشرط أساسي لاستقلالية القضاء.
ء          الشروع الفوري في معالجة ملفات الفساد الإداري والمالي والسياسي الذي لا يزال متفشيا في قطاعات الدولة.
ء          تعليق سداد الديون الخارجية.
ء          التزام المجلس الوطني التأسيسي بتضمين الدستور القادم مبدأ تجريم التطبيع مع الكيان الصهيوني.


إذن إخوة الإيمان، أرجو منكم أن تتفهموا وألا تتسرعوا في الحكم على إعتصام باردو. نحبكم صناديد وما إتبعوش تطبيع صفحات الجهل المأجورة لتضليلكم عن طريق الصواب.
فإعتصام باردو إمتداد لاعتصامات القصبة وإستكمال لثورتنا المجيدة لإستئصال الديكتاتورية من هذه الأرض الطاهرة وخلافاً لما يروج له البعض، ليست هجوماً على الإسلاميين وتحاملاً على إرادة الشعب التي ليس لنا إلا أن نحترمها وننحني إجلالاً لهذا الشعب العظيم الذي صنع بمفرده ربيع كل العرب وإنتخب بكل ديمقراطية رجالاً ونساءً نأمل أن يمثلونه خيرا تمثيل.

إذا كان بعد كل هذا ما أقتنعتوش، نحترم رأيكم ولكن أتمنى ألا يقع مستقبلاً اتهامنا باطلاً بمحاولة الإلتفاف على إرادة الشعب.

أقول كلامي هذا وأستغفر لي ولكم ولجميع المؤمنين، اللهم إشهد اني بلغت، اللهم إشهد فإني بلغت !  

dimanche 4 décembre 2011

Le Bardo 1, un rendez-vous avec l'histoire


Je  vivais un des pires moments de ma vie. Je ne dormais plus. J'étais coincé dans ma perplexité à mesure que les atteintes aux libertés individuelles se multipliaient, que le terrorisme culturel devenait banal et que les partis, notamment le parti islamiste "modéré" d'Ennahdha se terrait dans un mutisme complice et criminel.

Entre temps, la troïka formée par la coalition tripartite (Ennahdha, CPR et Takattol) faut-il le rappeler, propose un projet de règlement intérieur faisant clairement le lit d'une nouvelle dictature et refusent la retransmission télévisée des travaux de l'assemblée constituante.
Ils proposent notamment de donner au premier ministre (a priori, Hamadi Jbali) des prérogatives de calife et un poste de président pour le moins folklorique à Moncef Marzouki.
Comme si cela ne suffisait pas à notre désarroi, le projet prévoyait en plus, le transfert de toutes les prérogatives du conseil constitutionnel au premier ministre en cas de circonstances exceptionnelles sans préciser la nature de ces circonstances.

Pour faire passer la pilule, on invente un faux problème, comme lors du faux-débat sur la laïcité.
Cette fois-ci, c'est au tour de la fac des lettres de Mannouba d'être la scène de cette mascarade visant uniquement à faire diversion sur le théâtre où se joue réellement notre avenir à savoir l'assemblée constituante.

Des sit-inneurs qui n'ont pour la grande majorité rien à voir avec la faculté, viennent réclamer que les filles en niqab puissent passer leurs examens contrairement à ce qui  a été voté le 2 novembre dans le conseil scientifique de cette même faculté.
La nuit, j'y étais aussi. J'ai discuté avec ces jeunes, qui réclamaient rien de moins que: l'annulation de la mixité, que les filles soient dirigées par des femmes et que les hommes n'enseignent qu'aux garçons. Certains parlent même de cours en désaccord avec la chariâa et de profs qu'il faudra limoger parce qu'ils sont "mécréants".
Je me suis abstenu de répondre. Ce débat est moyenâgeux, pour le moins stérile et très loin d'être la priorité du moment !

Le réseau Dostourna commence par appeler à une manifestation au Bardo pour faire entendre notre mécontentement vis à vis de de ce "coup d'état institutionnel" comme l'appellera le journaliste du Nouvel Observateur.

La sauce commence à prendre. Mannouba vole la vedette au Bardo.
Tout le monde condamne les évènements de Mannouba et l'atteinte à l'indépendance de l'université.
Dilou monte au créneau au JT de 20 heures de tv7, use d'une langue de bois digne des années de plomb de Borhene Bsaies à la tête de la communication RCDiste.
Il affirme qu'un débat national devrait être entamé sur le niqab et le droit de ces demoiselles à un enseignement comme toutes les filles de leur âge.
Oui ! Vous ne rêvez pas ! Il réclame un débat national sur le niqab au moment où le pays coule économiquement et politiquement.

Pire encore, Jbali rapplique, il décrit le débat autour du niqab sur Express FM d'affaire nationale ! Excusez du peu !

Le sit-in du Bardo continue tout de même, malgré une vague de discréditation dans les médias officiels et les pages vendues à Ennahdha qui comptent des centaines de milliers de fans et qui mettent les moyens pour dépeindre des manifestants mécréants, franc-maçons, ennemis de Dieu qui s'obstinent à attaquer l'Islam.

La nuit, j'étais aussi présent quand des bandes de jeunes, cannettes de bière à la main, sont venues nous jeter des pierres, détruire nos tentes et voler nos vivres.
Quand je suis tombé sur quelques uns, juste après les incidents, je leur ai demandé pourquoi ils faisaient cela, ils m'ont répondu qu'ils étaient des quartiers avoisinants et qu'ils avaient marre de ces manifestants encombrants. En piochant un peu plus, ils ont reconnu que des gens leur ont offert de l'alcool en échange de ce "service".
On sait à qui profite le "crime" et on sait donc qui serait derrière. D'autant plus que, dans cette nuit là, il y a eu des voitures de location qui s'étaient arrêtées, d'où sont sortis plein de jeunes et qui nous ont pris de force nos tentes. Du crime organisé pour nous terroriser.
Pratiques ancestrales d'un parti mafieux. Des airs de déjà vu, notamment à la Kasbah !
Peu importe, le sit-in est là et il y reste tant que ces revendications restent en suspens. C'est notre droit élémentaire de manifester pacifiquement. C'est notre droit de s'exprimer.
Personne ne pourra nous en dissuader quelque soit la barbarie de ses méthodes.

Au Bardo, les journées sont longues. C'est en quelques sortes, un Hyde Park version tunisienne où des gens de différents courants viennent discuter.
Il suffit d'élever un peu la voix, même en parlant au téléphone pour qu'une foule se constitue autour de toi et vienne te postillonner dessus pour essayer de te convaincre.
Rien de plus beau jusque là. Sauf que le débat s'insinue, se perd dans des détails qui n'ont rien à voir avec les revendications de base du sit-in baptisé Bardo 1.

On vient discuter de niqab, raviver les sempiternelles querelles entre l'UGET et l'UGTE, des airs de A3TA9NI, Manouba s'invite malgré elle au Bardo et il y a ces jeunes du bassin minier qui étaient là avant nous, qui ont leurs revendications sociales et qui sont submergés par la foule des slogans.


Il est par ailleurs, souvent nécessaire, sans vouloir paraître élitiste, de passer des heures à expliquer des notions de base de tolérance, de démocratie, de respect des minorités, de manifestations pacifiques... 
J'ai aussi passé un bon moment à recentrer des débats vers l'essentiel, à savoir:

• La diffusion en direct des séances plénières de l’Assemblée Constituante.

• La nécessité de la séparation des pouvoirs et la définition des prérogatives de chaque pouvoir


• Le refus du cumul des pouvoirs entre les mains du chef de Gouvernement ou celles d’un parti.


• La nécessité du recours à la majorité de 50%+1 pour la nomination des trois présidences (celle de l’Assemblée Constituante, celle de la république et celle du gouvernement) et l’application de la même majorité de 50%+1 pour la motion de censure (révocation du gouvernement ou de l'un des ministres).


• Le vote pour chaque article de la Constituante avec la majorité des 2/3.


• La majorité des 2/3 doit être appliquée pour l’adoption des articles de la Constitution ainsi que pour l’approbation de la Constitution, même en deuxième lecture.


• Le rejet du transfert de toutes les prérogatives du Conseil Constitutionnel au chef du Gouvernement en cas d’empêchement du fonctionnement normal des pouvoirs, tel que mentionné à l’article 11 point 6 du projet de règlement provisoire des pouvoirs publics.


• La nécessité d’inscrire le code du Statut Personnel dans la Constitution.


• L’interdiction de cumuler les fonctions de membre de la Constituante et membre du Gouvernement.


Et puis vint le samedi 3 décembre 2011, où une contre-manifestation fut organisée par les jeunes d'Ennahdha au même endroit. Le parti islamiste avait rejeté toute implication dans cette manifestation même si on a vu les  innombrables voitures de location d'Ennahdha rôder autour.


Deux rives, séparées par deux rideaux de policiers et des journalistes. Les politiques véreux ont su créer la fracture, polariser à nouveau la population et voiler les regards du peuple sur les questions fondamentales politiques et sociales du moment.

Ces gens sont venus scander sur des airs de chants de stades des slogans tels que:
"Ennahdha fel tali3a ooooh ooooh"
"Ommahét 3azibét, ommahét 3azibét" (Comme pour dire que nous sommes des bâtards)
"Ech garrabek mel cha3b ya ma*houta"
des menaces, des doigts d'honneur et j'en passe. (comme vous pouvez le voir)

Ils nous ont même lancé des pierres et des barres de fer en fin d'après-midi faisant quelques blessés. Les policiers sont intervenus avec des bombes lacrymogènes pour disperser les agresseurs.

Il faut savoir que quand l'autre rive a crié: "Allah Akber" nous avons fait de même, à leur grand étonnement. Quand ils ont fait la prière d'el Asr, nous avons respecté et gardé le silence. Quand ils nous ont dit "Dégage !", on a applaudi. Quand ils nous ont traité de bâtard et de pédés, nous n'avons pas répondu.

Au cours de cette journée, j'étais juste à coté d'un nahdhaoui qui semblait remonté à bloc, les raisons de son enthousiasme. Il m'a répondu: "Ils font cette manifestation A3ta9ni, ils boivent de l'alcool juste en face de nous et veulent que ce pays sombre" (idakhlou el bléd fi 7it)

Mon frère si tu diffères de moi, loin de me léser, tu m'enrichis. Mais, Yerham waldik, quelques soient tes orientations, prends un moment pour lire les revendications du sit-in du Bardo 1 avant de le condamner.

Pour ceux qui sont convaincus, il ne suffit pas d'être solidaire dans votre coin, venez, personne ne vous mangera et plus nombreux, on ne sera que plus forts !

A bon entendeur.