Les fidèles du Boukornine

vendredi 20 avril 2012

La fleur au fusil...



La tête creusant l'oreiller, obscurité et yeux fermés. Les idées se bousculent dans ma tête, aucune envie de dormir.
Je pense aux mères des martyrs qui n'ont toujours pas séché leurs larmes et fait leur deuil. Je pense à leur bourreau qui a étranglé sa conscience et qui ne doit pas avoir de problèmes d'endormissement.
Je pense aux blessés de la révolution, menés en bateau par les promesse électorales des partis hypocrites qui se sont servis d'eux avant de les lâcher sans se poser de questions et à les tabasser pour peu qu'ils réclament d'être soignés.
Je pense aux jeunes de Cité Mallaha, de Om Laârayes, de Rdeyef, de Menzel Bouzayene et au calvaire qu'ils vivent quotidiennement sans que personne ne semble s'en incommoder. Quand ce sont les miséreux qui pâtissent de la répression, on n'en discute pas à l'assemblée constituante, on n'en discute pas dans la rue, ni dans la presse. On se contente de les qualifier de bandits qui auraient reçu juste ce qu'ils méritaient sans vérifier leur version des faits.
Je pense à ces pauvres policiers endoctrinés qui terrorisent le peuple dont ils sont les enfants.
Je pense aux affamés toujours pas rassasiés, je pense aux chômeurs toujours sans issue.
Je pense à une révolution détournée par les profanateurs de l'Islam.
Je pense aux partis politiques aveuglés par leur insatiable rêve d'arriver au pouvoir. Je pense à cette opposition limitée, désespérante, décimée et à leur ingéniosité dans la médiocrité en inventant à chaque fois une nouvelle raison pour nous déprimer.
Je pense au parti Ennahdha, à son népotisme halal, à son projet diabolique dont il se cache à peine, à ses tendances dictatoriales avérées, à ce gouvernement d'incompétents et aux gens qui les défendent aveuglément.
Je pense à la liberté d'expression acquise au prix du sang et à sa précarité. Je pense à toutes les menaces qui la guettent, à tous ces ogres qui ne rêvent que de la dévorer.
Je pense à la désillusion révolutionnaire. Je pense au tourisme en crise. Je pense aux salafistes, véritable branche armée d'Ennahdha qui ne font du bruit que lorsque le gouvernement est sous pression pour détourner les regards de l'opinion publique des vrais problèmes. Je pense à leur impunité troublante et à leurs exactions moyenâgeuses.
Je pense à tous ceux qui rêvent de quitter le pays sous prétexte que le navire est en train de couler, alors que le navire, c'est nous...
Je pense à Rafik Bouchlaka et à son incompétence légendaire et à ses connaissances primitives en géographie. Je pense à Marzouki et à toutes ses convictions qu'il a défendu pendant des années avant de les abandonner pour un minable poste aux prérogatives de concierge. Je pense à Rached Ghannouchi qui dicte à l'état la voie à suivre en parfait amalgame parti/état comme au bon vieux temps avec ZABA et le RCD.

Je pense à la Femme tunisienne, menacée mais plus que jamais libre. Je pense à ces jolies demoiselles qui sont aux premières lignes dans les manifestations et que les coups de matraque n'arrivent à dissuader de s'élever pour leurs droits.

Je pense à nous dans cinquante ans, toujours la même révolte dans l'âme, que l'on soit vivant ou six pieds sous terre. Je pense à la peur qui nous a quitté à jamais, laissant place à une infaillible abnégation et à une détermination à toute épreuve.

Comment exiger de Morphée de me soustraire à ce tsunami délirant ?
La nuit sera longue. Mais au final, nous sommes là, le poing serré, le moral comme au premier jour de lutte, la fleur au fusil, prêt à se battre au quotidien.
Encore mieux que la liberté, beaucoup plus hallucinante que la LSD, nettement plus euphorisante que le cannabis, la libération est une aubaine pour les âmes rêveuses. Révoltons-nous ! Indignons-nous ! Demain nous appartient... 

mardi 3 avril 2012

Au nom des martyrs et des blessés de la révolution...




Amis martyrs qui êtes aux cieux, amis blessés de la révolution qui ruminez votre amertume à chaque instant que Dieu fait, j'ai mal pour vous.

Au nom de ces familles aux tables desquelles un membre manque quotidiennement à l'appel quand c'est le moment de manger, de regarder un match ou de se partager un fou rire en dépit de la misère et de la tragédie qui les a frappé de plein fouet.

Au nom de ces infirmités, de ces membres amputés, au nom de ces plaies infectées, de ces muscles mis à nu, de ces chaises roulantes acquises grâce à des dons de particuliers alors que l'état faisait le mort pour ne pas mettre la main à la poche, au nom de la bureaucratie derrière laquelle on se cache pour vous mener en bateau.

Au nom de ta maman tabassée, au nom de ton crane fracturé, de tes méninges remués, des hématomes qui te couvrent le corps, de ta dignité traînée par terre, de ta chaise roulante démontée, de ta perplexité devant cet acharnement, cette férocité, cette sauvagerie et au nom du gaz lacrymogène que tu as inhalé.

Au nom des insultes qui ont fusé de partout, au nom des brodequins qui t'ont piétiné alors que tu n'avais même pas la capacité de te mettre debout, séquelle d'une révolution que tu as faite mais qui te crache dessus, au nom des mensonges "officiels" du ministère des droits de l'Homme avec lesquels on veut justifier l'injustifiable et donner à l'inexcusable un certain aspect rationnel qui n'a simplement pas lieu d'être, au nom de ces méthodes dignes de l'époque la plus sombre de Ben Ali, de sa violence et de sa désinformation.

Au nom de ce gouvernement qui te doit tout et qui te tourne le dos, acceptant au plus d'intégrer ton nom à celle des bénéficiaires de l'aumône qatarie, toi qui ne réclamait rien d'autre que le droit à la dignité et à la reconnaissance de ton pays et non pas de Hamad et de sa Mouza.

Au nom de tout cela, mes frères, permettez-moi de mépriser ce gouvernement et de honnir sa triste "légitimité acquise grâce aux urnes qui exprime la volonté populaire" avec laquelle ils se croient tout permis, avec laquelle ils ont confisqué la révolution et par la même occasion puni ses symboles.

Loin des appartenances partisanes et de toute tentative d'instrumentalisation, votre cause est la nôtre, celle de tous les tunisiens !
Les livres d'Histoire retiendront l'ingratitude de cette nation à l'égard des héros qui l'ont hissé au sommet grâce à cette révolution, au péril de leurs vies.

Trop occupés à palabrer sur les sempiternelles questions identitaires et les interminables querelles idéologiques, ils avaient pris l'habitude à ponctuer leurs phrases de "Netra7mou 3la arwé7 echouhadé2" oubliant que vous mourriez à petit feu, que vos corps si purs se décomposaient dans l'indifférence, que les blessés de la révolution n'étaient pas une légende urbaine mais des personnes bien réelles à la tragédie atrocement vraie et palpable.

En votre nom aussi, chers compatriotes, chers héros, permettez-moi de me cracher dessus ainsi qu'aux gueules de tous mes semblables, pour avoir mis tout ce temps pour réagir.
Le rendez-vous est donné pour le 9 avril, qui j'espère sera le plus grand rassemblement en faveur de notre cause nationale la plus prioritaire, à l'occasion de la fête des martyrs, on se battra pour vous, plus question de se taire et advienne que pourra !

Qu'ils répriment ! Qu'ils lâchent leurs sbires ! Tous les coups du monde ne sont rien face à l'injustice que vous vivez.
J'ai honte pour ma nation, pour la révolution qui a mangé ses enfants !