Amis martyrs qui êtes aux cieux, amis blessés de la révolution qui ruminez votre amertume à chaque instant que Dieu fait, j'ai mal pour vous.
Au nom de ces familles aux tables desquelles un membre manque quotidiennement à l'appel quand c'est le moment de manger, de regarder un match ou de se partager un fou rire en dépit de la misère et de la tragédie qui les a frappé de plein fouet.
Au nom de ces infirmités, de ces membres amputés, au nom de ces plaies infectées, de ces muscles mis à nu, de ces chaises roulantes acquises grâce à des dons de particuliers alors que l'état faisait le mort pour ne pas mettre la main à la poche, au nom de la bureaucratie derrière laquelle on se cache pour vous mener en bateau.
Au nom de ta maman tabassée, au nom de ton crane fracturé, de tes méninges remués, des hématomes qui te couvrent le corps, de ta dignité traînée par terre, de ta chaise roulante démontée, de ta perplexité devant cet acharnement, cette férocité, cette sauvagerie et au nom du gaz lacrymogène que tu as inhalé.
Au nom des insultes qui ont fusé de partout, au nom des brodequins qui t'ont piétiné alors que tu n'avais même pas la capacité de te mettre debout, séquelle d'une révolution que tu as faite mais qui te crache dessus, au nom des mensonges "officiels" du ministère des droits de l'Homme avec lesquels on veut justifier l'injustifiable et donner à l'inexcusable un certain aspect rationnel qui n'a simplement pas lieu d'être, au nom de ces méthodes dignes de l'époque la plus sombre de Ben Ali, de sa violence et de sa désinformation.
Au nom de ce gouvernement qui te doit tout et qui te tourne le dos, acceptant au plus d'intégrer ton nom à celle des bénéficiaires de l'aumône qatarie, toi qui ne réclamait rien d'autre que le droit à la dignité et à la reconnaissance de ton pays et non pas de Hamad et de sa Mouza.
Au nom de tout cela, mes frères, permettez-moi de mépriser ce gouvernement et de honnir sa triste "légitimité acquise grâce aux urnes qui exprime la volonté populaire" avec laquelle ils se croient tout permis, avec laquelle ils ont confisqué la révolution et par la même occasion puni ses symboles.
Loin des appartenances partisanes et de toute tentative d'instrumentalisation, votre cause est la nôtre, celle de tous les tunisiens !
Les livres d'Histoire retiendront l'ingratitude de cette nation à l'égard des héros qui l'ont hissé au sommet grâce à cette révolution, au péril de leurs vies.
Trop occupés à palabrer sur les sempiternelles questions identitaires et les interminables querelles idéologiques, ils avaient pris l'habitude à ponctuer leurs phrases de "Netra7mou 3la arwé7 echouhadé2" oubliant que vous mourriez à petit feu, que vos corps si purs se décomposaient dans l'indifférence, que les blessés de la révolution n'étaient pas une légende urbaine mais des personnes bien réelles à la tragédie atrocement vraie et palpable.
En votre nom aussi, chers compatriotes, chers héros, permettez-moi de me cracher dessus ainsi qu'aux gueules de tous mes semblables, pour avoir mis tout ce temps pour réagir.
Le rendez-vous est donné pour le 9 avril, qui j'espère sera le plus grand rassemblement en faveur de notre cause nationale la plus prioritaire, à l'occasion de la fête des martyrs, on se battra pour vous, plus question de se taire et advienne que pourra !
Qu'ils répriment ! Qu'ils lâchent leurs sbires ! Tous les coups du monde ne sont rien face à l'injustice que vous vivez.
J'ai honte pour ma nation, pour la révolution qui a mangé ses enfants !