Les fidèles du Boukornine

vendredi 30 septembre 2011

Leena Ben Mhenni, voilà ce que je pense de toi...



Leena, on s'est jamais attardé dans une discussion. Sauf une ou deux fois peut-être. Mais voilà ce que je pense de toi.

Je n'ai jamais supporté le style avec lequel tu écris.
Que veux-tu ? ça ne passe pas... J'essaie de te lire, mais je n'y arrive pas. Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir essayé...
Sauf quand tu écris pour les GlobalVoices... Peut-être que c'est parce que c'est en anglais. Et ma connaissance de la langue de Shakespeare est un peu moins que rudimentaire.

Leena, je ne te cache pas que je n'ai jamais réussi à t'écouter plus d'une minute. Les interminables "eeeeeeeeuh" et autres "euuuuuuuuuuuh" pour pondre à la fin des réflexions pas si brillantes que cela... J'ai peut-être un peu mieux à faire.

Leena, quand tu parles aux médias étrangers et que tu commences tes phrases avec: "Le peuple tunisien veut..." ça me met hors de moi. Tes idées ne représentent que ta personne, ça tu devrais le savoir.

Leena, quand je tombe par hasard sur ta voix en changeant de station radio, je passe à la suivante sans tarder. Je me dis qu'un jour, je t'écouterai, mais pas aujourd'hui ! Parce que j'ai mieux à faire !

Leena, quand j'ai appris que tu a écrit un livre, je suis resté bouche bée. Tu n'es même pas capable de me retenir l'espace d'un texte d'une dizaine de lignes, il me faudrait plus d'un siècle pour terminer ton livre, je pense, non sans me forcer.

Cependant, Leena, il me serait impossible de passer outre ton combat.
Tu étais l'une des rares à bloguer sous ton vrai nom. A parler aux médias étranger, à militer, à afficher clairement tes positions sans craindre les représailles d'un régime sans merci.
Tu es sortie dans la rue, comme nous tous. Mais sous ton vrai nom et non sous un pseudo comme c'est le cas de la plupart d'entre nous.

Leena, je pense que tu n'as pas beaucoup de talent mais que tu as donné sans compter pour une cause qui nous concerne tous au péril de ta vie.
Leena, je pense que tu mérites toutes les distinctions du monde. Si on nous annonce que tu es prix Nobel de la paix je serais au moins aussi heureux que toi.
Après tout, Shamon Perez et Barack Obama n'ont rien fait pour la paix au moment de leur consécration et toi, tu as collaboré à nous rendre plus heureux et un peu plus libre quand-même.
Leena, je t'aime bien, parce que tu es une blogueuse tunisienne libre et émancipée.

Mes sincères amitiés ! 

La mascarade électorale




Quand tu récites un mawel, que l'écho te répond aussitôt et que les étoiles semblent vaciller d'ivresse. Quand tu bois et tu rebois, hélas, en vain ! Qu'à la longue, finissent les canettes et se tarit le vin.

Comment t'expliquer ?  C'était trop beau pour être vrai.
Il y avait tout le monde dans la rue. Il y avait des matraques et du gaz lacrymogène à tous les coins de rue.
Mais personne ne pleurait.
Comment t'expliquer ? C'était magique.
Je regardais les bourreaux de la police dans les yeux dans une danse jubilatoire où la chorégraphie était si parfaite pour faire valser la dictature et terroriser le despote.

Comment t'expliquer ? J'étais naïf. Mais peut-on rêver sans être puérile ?
Je regardais le drapeau tunisien pendant des dizaines de minutes, le regard vide, en écoutant en boucle "can't take my eyes off you" interprétée par la magnifique Lauryn Hill.

Qui osait croire qu'on allait nous refaire le scénario de 87 ?

Et puis, il y a eu la contre-révolution. Et comment t'expliquer ? On s'est fait baiser.
Il n'y a pas d'autres mots.
On a chopé toutes les Maladies Sexuellement Transmissibles que Dieu a pu créer et même les autres.
On a eu mal au cul. Mais on s'est assis quand-même pour tenter de reprendre un souffle coupé à coups de cutters.

Et puis vint la mascarade électorale. Et puis vint les Kamel Ltaief, Kamel Morjane, les Mohammed Jegham, les RCD bis, Larbi Nasra les terroristes d'Ennahdha amnistiés de je ne sais quel droit et autorisés rien que pour nous faire payer.

Et puis il y a eu le pôle démo, cette secte de zombies qui te sortent de partout croyant détenir la vérité absolue. Ces raëliens qui feraient mieux d'aller se rhabiller.
Et puis il y a eu l'UPL, Ennahdha, Ettakattol et les voix achetées.
Et puis il y a eu ce peuple manipulable, mené en bateau et trahi par tout le monde, matraqué par les mensonges où qu'il étende le regard.
Et puis il y a eu le CPR trimbalant sa paranoïa à la con et ses putains d'alliances stratégiques.
Et puis il y a les rumeurs, les calomnies, l'amalgame, l'ignorance et les campagnes de dénigrement.

Et puis on nous a demandé de nous inscrire et on a payé le prix fort pour la campagne publicitaire avant de nous confier que de toute façon on était tous inscrit.

Et puis les scandaleuses écoutes téléphoniques de Ltaief rendues publiques qui n'intéressent pas les médias puisque cette pourriture détient tous les pouvoirs et contrôle tout le monde.
Et puis à Kamel Morjane d'affirmer l'air de rien qu'il a effectivement édité des passeports diplomatiques pour les Ben Ali datés du 16/1 et qu'on pouvait rien lui faire de toute façon. Putain de pays où il est permis d'avouer sa traîtrise impunément.

Et puis cette justice à deux balles qui fait de la figuration.
Et puis cette révolution à laquelle on a cru et qui nous a anéanti.
Et puis on nous parle d'élections. On nous chante que "Enti essout"

Et puis je vous confie, de vous à moi, que je crois plus à une éventuelle révolution dans les prochains mois qu'à cette mascarade électorale qui coûtera au contribuable un peu moins de 10 millions de dinars.
Un peuple naïf et opportuniste. Des hommes politiques plus véreux que jamais. Des partis qui convertissent nos voix en dollars. et moi je suis là à parler à un ciel inerte...
Pauvre de moi, je suis devenu fou. Fou de toi... Fou à cause de toi... Tunisie en perdition...

lundi 19 septembre 2011

قلم الرصاص الحي



إسمي بوقرنين.
ساعات نضحك والقلب ينين
على شعب داسوا كرامتو سنين،
ولسلبو ونهبو يأتيهم الحنين.
حبوا يقضيو عليه وهو في كرش أمو جنين. 


ندون كي ندوان
وندوان كي شعبي يتألم.
نحكي وما نخافش ضربة مقص وبلسان المجموعة نتكلم.
مرة نقول الصح مرة نزيد فيه ومرة نفلم. 

حكاية بدات ثلاثة سنين لتالي.
قلت نكتب ولا أبالي.
لا يوجد فرق إذا مت هرماً أو بعد اغتيالي.
والمهم نزيد خدمة لعمار البوهالي.

ثلاثة سنين، ساعة حلو ساعة مر.
البلعة ماء زمزم والكمية خمور.
المهم ديما ناشط ولا مكان للخمول.
نكتب ديما في الفجاري وفي
الصباح نقوم مثمول. 

ثلاثة سنين فيهم الرديف، بن قردان وبوزيد الغالية،
حبوا يخمدوا كلام الحق بالدمومات الجارية،
قاملهم شعب ينادي بمعرفة الحقيقة عارية. 

ليوم كيما سنصرني عمار
 أقسم أن أبقى في قلوبكم المرضى مسمار
ومن نشر الدمار لن يحصد أبداً العمار 


Ce texte a été publié le 29 décembre 2010 sur ma page facebook après la censure de ce blog. 

jeudi 15 septembre 2011

Pour elle...





Pris au piège dans son sourire. Je ne me débats point. Je ne cherche pas à fuir. C'est à travers elle que je m'évade.

Je vois dans ses yeux la violence du syndicalisme, et la délicatesse d'une transition démocratique dans un pays trop attaché à ses valeurs tiersmondistes.
Pour ce qui est des élections, j'ai déjà un parti pris pour son visage.
De l'extrême gauche à l'extrême droit et même d'un point de vue centriste, elle me fait rêver.
Ni régime parlementaire ni présidentiel. Sa taille de guêpe n'a nullement besoin de régime.
Ses traits sont musulmans, sa dentition chrétienne, sa chevelure juive et son sourire sioniste. Me concernant, je dois avouer que "I laïque"

Le Bon Dieu vit dans l'éclat de son regard. Et moi, je crois en Dieu. Le créateur et la création se confondent en l'espace d'un clin d'oeil magique qui résume en un instant des millions d'années, des civilisations entières. 

Tenir la main de ma resplendissante demoiselle, la regarder en silence avec des yeux baignés d'émotion, espérer secrètement être encore là quand les rides plisseront son visage. C'est ça l'amour, mon fils ! 

Au clair de lune et de son triste reflet sur le port de Sidi Bousaïd... Je bois ses paroles calmement, religieusement. Je m'enivre de la musicalité de sa voix. Sa classe princière m'étourdit. Je ne vois plus qu'elle. 
Le monde s'arrête de tourner. Le monde se tait un moment pour laisser aux deux âmes sauvages le bonheur de s'apprivoiser. 

Une brise marine vient titiller les sentiments et attiser le feu de leur passion.
Les étoiles se regardent timidement, un léger sourire au coin des lèvres comme pour dire leur immense honneur d'assister en direct à la naissance d'une légende. 

"J'ai fait ce rêve étrange où je suis tombé sur de très beaux diamants, où j'étais devenu un homme à la richesse inestimable. En me réveillant, j'ai pu comprendre que ce trésor qui m'est arrivé par enchantement c'était toi !"

Elle sourit, ne dit mot.
Le Boukornine, qu'on devine au loin dans cette nuit automnale à la chaleur collante, semble plus que jamais majestueux, plus que jamais heureux, plus que jamais fier de son enfant. 

Une tasse de thé aux pignons fit soudain, irruption dans ce rêve qui a pignon sur rue.

Puis, dans cette spiritualité ambiante, ces deux êtres souriants se levèrent, se prirent la main et s'éloignèrent, s'enfonçant doucement dans l'inconnu. 
Depuis, je ne les vois plus, mais ce flou, vois-tu mon enfant, c'est ça l'amour...  


mardi 13 septembre 2011

La révolution médicale, c'est pour très bientôt !




Je suis un jeune interne en médecine révolté par l'état des lieux de ce secteur pourri jusqu'à la moelle !

De jeunes internes, comme moi, sont en train d'être sauvagement agressés tous les jours dans les différents centres de soins du pays dans l'indifférence la plus totale.

Un policier qui brandit son arme sur les résidents et internes à Ben Arous, un patient qui défonce la gueule d'une résidente aux urgences ORL de l'hôpital Charles Nicolle, une interne qui à défaut d'un coup de pouce reçoit des coups de poing aux urgences de la Rabta, une interne qui frôle la mort de justesse lors d'une agression au CAMU, une interne et une résidente férocement pris à partie par une patiente au service de gynéco de Ben Arous.... Et j'en passe !

Tous ces évènements ont eu lieu il y a moins de deux semaines.
La violence est notre pain quotidien.
Tous ces incidents ont eu lieu sans que des poursuites ne soient engagées et dans la parfaite insouciance de nos seniors qui se disent pourtant affectés mais qui reprennent, après un léger soupir, le cours normal de leurs vies.

On est des êtres vivants ! Si c'étaient vos gosses qui se faisaient tabasser vous feriez quoi dis-donc ?!
On est arrivé à un point où les victimes de ce genre d'agressions ont honte d'en parler ou de porter plainte.
Je me suis déplacé à maintes reprises pour parler avec des confrères et des consoeurs qui ont été violentés et je puis vous dire que c'est la loi du silence.
Il n'y a pas de honte à réclamer son du  ! Il n'y a pas de honte à gronder pour exiger que notre dignité ne soit plus bafouée, d'autant moins avec si peu de scrupules et tellement d'impunité !

J'ai déjà publié sur ce blog la vraie histoire de l'incident de Ben Arous. (Cliquez-ici ) Depuis j'ai été contredit par les mensonges du torchon électronique "Attounissia" et par un communiqué du ministère (cliquez-ici).

Après quelques jours le ministère appelle, je cite: "les citoyens à aller protéger les centres de soin" (cliquez-ici) et puis, le conseil de l'ordre, plongé depuis je ne sais quand dans un mutisme inquiétant nous pond un communiqué qui condamne très timidement les faits alors qu'ils devraient penser sérieusement à s'alarmer !

On se moque de nous.
Les seniors sont vautrés tranquillement dans leurs fauteuils moelleux, bien au chaud alors que nous risquons quotidiennement nos vies. Ils se contrebalancent de ce que nous indurons.

Le ministère s'en fout royalement si tu te fais tuer dans l'exercice de ton métier. Au pire, il sortira un communiqué où il présente ses "sincères condoléances" à ta famille qui aura perdu un enfant qu'elle n'a pas vu grandir parce qu'il était trop occupé à préparer ses innombrables et interminables examens !
De toute façon le climatiseur marchera toujours dans les bureaux, le jeu solitaire sera toujours d'actualité, on se tournera toujours autant les pouces et la terre continuera de tourner !

Personnellement, j'ai été victime plusieurs fois aux urgences de menaces de mort sans que personne ne bouge le petit doigt.
Etant un enfant de la banlieue sud au sang chaud de nature, à la culture populaire et au verbe acerbe, j'ai su en venir à bout tout seul comme un grand avant d'initier une grève qui aurait pu me coûter très cher, en désertant les urgences appuyé par une pétition de plus de trois cents signataires.
C'était en solidarité avec une amie, interne, qui s'était faite gifler par une patiente sans que l'interne en question n'ait pu porter plainte. (Menaces, pressions...) (Cliquez-ici)

Aujourd'hui, il n'est plus question de se taire ! Il faut employer les grands moyens !
Jeunes médecins, l'heure est grave !
Si aujourd'hui c'est ton confrère qui mord la poussière, demain ce sera ton tour ! Si tu ne te bouges pas le cul maintenant, personne ne viendra te porter secours quand on te fracturera le mandibule à coups chaises qui volent et de tables qui se déposent sur ton faciès !

Le Syndicat des Internes et Résidents de Tunis organise une AG ce mercredi à l'amphithéâtre du service de médecine légale de l'Hôpital Charles Nicolle pour discuter d'une éventuelle action commune. (Cliquez-ici)

Dans notre secteur, il y a plus d'un problème. La pourriture est telle qu'on se demande si c'est récupérable. Mais rassurez-vous, on ira jusqu'à l'amputation, si tel est la volonté divine.
On est les seuls à pouvoir révolutionner notre secteur. Assumons notre responsabilité historique !
Pour l'heure, il y a extrême urgence aux urgences !
Commençons par le plus élémentaire à savoir réclamer des conditions de travail dignes...
Le combat continue mais la révolution est en marche !



samedi 10 septembre 2011

Vous voulez la démocratie ? On va vous faire payer !






La démocratie... La souveraineté du peuple... "le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple" comme dirait Abraham Lincoln.

On en a tellement rêvé, qu'un jour, le rêve s'est fatigué et a légué nos espoirs trop encombrants à la réalité.
108 partis politiques se disputent maintenant 217 sièges pour rédiger la nouvelle constitution tunisienne et écrire par la même occasion un des passages les plus importants de ce "petit pays d'Afrique du nord".

Depuis, on n'a de cesse de nous le faire payer.
Les coups d'état policiers se multiplient avec des insurrections et des désertions de policiers qui croient (peut-être tristement à raison) avoir le droit de vie ou de mort sur cette nation qu'ils ont opprimée depuis des décennies.

Les forêts prennent feu simultanément dans des circonstances mystérieuses emportant des centaines d'hectares de paysages pittoresques et d'oxygène, faut-il le rappeler.

Pour peu qu'une question sérieuse soit discutée, le tribalisme éclate comme par magie, par ci et par là obligeant le gouvernement à faire du chantage.

On vous offre la sécurité en contre-partie de votre droit de manifester !
Si par malheur, une bande "d'irresponsables" ose quand-même défier les lois du Béji le Tout-Puissant dans une manifestation pacifique ! C'est la guerre annoncée !

Après avoir décimé les quelques dizaines de manifestants effarés, dans la nuit, surviennent des braquages, des prises de villes par des salafistes.

Le tunisien lambda qui n'a jamais rien demandé à personne, en arrive même à regretter Ben Ali ! Et ce n'est pas un cas isolé !
"Au moins il nous offrait la sécurité !"
"On ne mérite pas la démocratie !"
Que de conneries, n'ai-je entendu.

Et puis, au moment où l'on s'attendait le plus à des candidats pour les élections. On nous gratifie de Candida Albicans (qui est un champignon opportuniste polyvalent).
Des footballeurs, des RCDistes confirmés, des chanteurs de cabaret, des incultes en somme à qui on demandera d'écrire une belle page de notre histoire, eux, pour qui aligner trois fautes en un seul mot ne relève nullement d'un exploit.

Et on nous sort la fameuse histoire du référendum, juste avant la campagne électorale. Ils investissent les médias, ils nous sortent les arguments qui plaisent. Ils misent sur la peur du tunisien moyen.

On a voulu vraisemblablement nous dégoûter de cette démocratie dont on a si longtemps rêvé.
Malheureusement pour eux, on bataillera à corps défendant pour que la date du 23 octobre ne soit pas reportée à nouveau.
Pour la première fois de son histoire, le peuple tunisien aura le choix.
Quels que soient les choix de la majorité, il faudra respecter.
Honte à vous, contre-révolutionnaires acharnés ! Si vous aviez servis votre pays avec autant de conscience, on serait un pays développé.
Cela dit, vous avez choisi votre camp. L'histoire ne vous le pardonnera jamais.
Un de ces quatre elle vous chiera comme elle a fait avec votre saint-patron !
Et croyez-moi, on sera son laxatif ! 

lundi 5 septembre 2011

Dans mon pays, il fait noir...









Il y a des mots balbutiés dans le noir, dans la douleur, au beau milieu d'une beuverie, avec les yeux qui pétillent, fixant une étoile précisément comme pour y accrocher l'infime espoir restant après que les immenses rêves se soient écartelés par les manigances des contre-révolutionnaires.

Ne m'en voulez pas si ce soir, j'ai juste envie de partager avec vous ces larmes, d'un gosse qui se réveille pour trouver qu'on vient de lui voler le joujou pour lequel il vivait, le mien s'appelle liberté.

Vous avez envie de partir ? Trop de pudeur pour partager tout ce désarroi avec un blogueur que vous ne connaissez même pas ? Restez quand-même.
On croit connaitre des gens qui s'avèrent au bout de quelques années comme étant de parfaits inconnus, alors de grâce arrêtez de tergiverser !

Je veux rendre hommage à ces soirées passées à sécuriser nos quartiers dans un froid de canard au péril de nos vies pourtant loin d'être miséreuses. Il faisait tout noir, mais nos visages étaient illuminés !
Quand je postillonnais, le poing levé, élevant la voix pour expliquer ce que je connaissais de la politique et des différentes révolutions qu'a connues l'humanité à ces jeunes incultes qui m'entouraient avec leurs regards intéressés, quand je chantais à pleine voix dans la rue, quand on partageait au delà des repas, des jus préparés à la maison, ces accolades fraternelles avec des gens que tu n'osais même pas saluer la veille.
Quand on sortait manifester dans les rues lacrymogènes de Tunis, ce centre-ville qui fut et restera à jamais mon plus grand amour, pour y avoir passé une très belle adolescence.
Quand du temps de Ben Ali, je rentrais le soir de mes aventures rocambolesques tunisoises matinales, pour regarder le ciel, l'étreindre et l'implorer avec insolence et piété. Comme pour lui dire que de toute façon on y arrivera, avec ou sans lui...
Quand on rêvait de mourir en martyrs pour la liberté.
L'univers entier nous enviait nos rêves insouciants, notre fougue incommensurable et notre effroyable sens du sacrifice, prêts à dévorer toute entrave à notre révolution.

Aujourd'hui, nous nous retrouvons avec des braquages à tous les coins de rue, à toute heure, des forêts qui ont cette formidable aptitude à l’auto-combustion simultanée, ces barbus qui imposent à des gens tolérants et ouverts depuis des siècles des lois venues de pays où l'on ne vit pas, ces policiers réservés exclusivement à la répression des manifestations légitimes et pacifiques et ce tribalisme qui éclate et s'estompe comme par magie par ci et par là comme pour nous sommer de calmer nos ardeurs, de baisser nos pantalons et de revenir dans nos tanières et de laisser les corrompus et les truands achever notre "révolution" sous les acclamations de la "majorité silencieuse" qui nous qualifie de délinquants.

Aujourd'hui, avec cette âme de révolutionnaires en herbe arrivée à bout de souffle, mordant la poussière, ne se levant plus que pour mieux trébucher, laissez-moi pleurer.
Parce que les hommes pleurent, de ces larmes qu'il serait criminel de brimer, ces gouttelettes qui s'insinuent pour creuser un visage à la mimique figée, sous le regard compatissant de cette étoile à laquelle on s'agrippe pour ne pas sombrer.


Sous les murs de ma ville sainte assiégée, de ma Jérusalem encerclée, de mon Andalousie attaquée, de ma défaite annoncée, de ma fierté submergée, de ma liberté bâillonnée et de ma dignité massacrée.
Mon âme pleure des larmes d'hommes, une tristesse de guerriers dont la témérité n'est plus à prouver, doués d'une persévérance à toute épreuve.
Dans mon silence, dans ma solitude, surgit ma haine farouche des journalistes et des politiciens à qui le peuple a offert un cadeau aussi inespéré qu'immérité.
Trop occupés à faire chanter les hommes d'affaires pour les premiers et le pauvre peuple malheureux pour les seconds, ils nous ont abandonné une énième fois. La fois de trop...

J'entends les bombes pleuvoir de toute part, les femmes crier et les enfants pleurer. Je vois des hommes fuir en toute lâcheté.
Je n'ai pas peur, j'ai juste une douleur qui m'afflige.
Je ferme les yeux, étend mon index et récite l'attestation de foi, me lève vaillamment, regarde une dernière fois mon étoile qui scintille et court vers ma destinée.
Ils veulent ma liberté, ils veulent mon droit de rêver.
Ils devront me passer sur le corps...