Les fidèles du Boukornine

mardi 11 mars 2008

Gangsta’ made in H-Lif

« Je m’appelle Kamel et je suis le bandit le plus craint de toute la région. Hammam-lif m’a vu naître et me voit maintenant sévir comme il me chante. La rue m’a adopté depuis le jour de mon douzième anniversaire, date fatidique à partir de laquelle on me fit entendre que j’étais prié de me prendre en charge vu que je devenais assez grand pour le faire. Mon activité ludique infantile et insouciante s’est donc très vite transformée en une sorte de combat pour la survie. Heureusement qu’alors la rue m’avait recueilli et elle a finalement réussi à faire de moi un homme. Six mois plus tard, je gouttais pour la première fois à l’alcool. Ce fut le moment phare de ma vie. La première fois où je ressentais une telle joie m’envahir. J’avais très facilement réussi à oublier qu’on venait de me bannir de mon cocon familial. Puis, repéré par un groupe de mes semblables qui contrôlait le commerce de substances nocives dans un quartier très chaud de « Ayeecha » une ville dans la ville. Une zone de non loi où aucun être sensé n’osait s’aventurer. J’ai appris avec eux à user de l’arme blanche comme un professionnel, à intimider mon vis-à-vis rien que par le regard et résister. Et je pense bien que j’en avais vraiment besoin dans l’exercice de mon métier à risques. J’ai évolué, petit à petit. Tout le monde trouvait que j’étais aussi doué pour manier le coup de poing que le couteau suisse. J’étais imbattable
Le jeune Kimo devenait rapidement « Kamel drogue » un délinquant très respecté dans ce cercle très fermé de narcotrafiquants à succès. Cependant, j’avais gagné tellement d’argent que je ne savais plus quoi en faire. Je n’ai jamais pu apprendre à agir en homme riche. J’ai toujours eu des fréquentations de pauvres, des loisirs de pauvres et des habitudes de pauvres. Jusqu’à aujourd’hui, je fume du Cristal. Dans ma vie, j’ai tellement fait de mal à des personnes qui ne l’avaient même pas cherché, que j’en suis arrivé au point de soupçonner fortement que je n’ai ni conscience, ni pitié… J’ai seulement toujours un couteau à portée de main. J’ai continué sur cette voie pendant des décennies. Je n’ai jamais été inquiété par la justice. Il faut dire que j’étais imbattable à cache-cache quand j’étais très jeune. Et les rafles n’étaient pas plus rapides ni plus dures à semer que mes compagnons d’arme de l’époque. Mais voilà qu’en fin de carrière, au moment où les braves trafiquants se retirent dignement, je commets une faute irréparable. C’est que le jeune merdeux m’avait cherché cette fois-ci. C’était un inconnu qui m’avait croisé et qui m’avait pointé son révolver de regard sur la tempe et quand je l’ai fixé, il n’a pas daigné baisser les yeux. C’est ainsi que dans un sursaut d’orgueil je l’ai battu à mort devant un poste de police. Cette bavure m’a valu un interrogatoire musclé. Une nuit au poste. Et voilà que les plaintes se sont abattues sur mon dos déjà courbé de fatigue.
Seule consolation pour le moment. J’ai enterré tous mes gains, mon trésor dans un coin du sable de la plage de « Bordj Cedria » dont je suis le seul à connaître l’emplacement. Cela m’étonnerait quand même que j’échappe à la perpétuité, au « toulto » (tout le temps). J’aurais au moins vécu en homme. J’aurais au moins vu le CSHL remporter deux coupes de Tunisie et jouer une autre finale. J’aurais finalement tracé mon chemin sans demander la faveur de personne. Et peut-être qu’enfin j’aurais une famille : Mes codétenus !»

1 commentaire:

Gonzo a dit…

Texte fort sympathique, je me suis laissé prendre par le fil de l'histoire... Je vais faire des fouilles à Borj Cedria pour découvrir son trésor...