Le matin d’un lundi qui ressemble drôlement au mardi qui suivra et à un mercredi ordinaire.
Le jeune stagiaire vétéran, remonte ce couloir bondé comme pas possible par des malades désespérés de voir leur plainte entendue un de ces jours.
En arborant cette blouse jadis blanche, jaunie et ternie par le poids des jours et du café et des excréments que les oiseaux se plaisaient à lui larguer de là haut…
Elle lui donnait de l’allure et même une autre dimension.
Il voyait dans leurs regards égarés, renaître un certain espoir en le voyant.
Mais il savait pertinemment qu’il ne pouvait à lui seul changer tout un système, répondre aux attente d’un peuple alors que sans juger bon de leur faire parvenir cette convicition
En entrant, il fut accueilli par un spectacle matinal des plus agréables.
Un premier cadavre et puis un autre…
Des victimes du destin.
Un jeune de 24 ans pris dans une bagarre et qui essayait tout bêtement de calmer les esprits…
Et un vieux de 72 ans qui s’excuserait presque d’avoir été aussi longtemps en vie à croire les tares qui s’entassaient sur son dossier médical depuis des décennies entières.
Et puis, ce fut chaque jour pareil.
Avec des pics d’une dizaine de morts.
On n’est ni en période de guerre ni de pandémie.
Mais, on a tout a fait le droit de mourir quand même, de se faire réanimer, intuber, ventiler, de faire un arrêt respiratoire ou circulatoire et d’avoir un certificat médical de décès remplis en bonne et due forme.
Même en période de paix.
A la longue, notre stagiaire, mi je-m’en-foutiste, mi consciencieux, en arriva à flairer la mort, à la percevoir de loin, à lui parler, seul dans le noir et aussi à la sentir mais cette dernière faculté, il ne s’en vantait pas trop, croyant fermement qu’il n’était pas le seul.
Chaque jour en apercevant les corps inanimés, il s’en allait très vite vomir sa peine, son angoisse et son profond dégout de la vie.
En vomissant, il omettait d’expulser ses questions existentielles et son mal-être.
Pourquoi vivons-nous, si c’est pour se vautrer au fond d’un couloir sous les regards désintéressé d’un corps médical qui aura tout vu et tout vécu ?
Pourquoi baisser la tête tellement de fois si une telle fin est inéluctable ?
Pourquoi se pourrir la vie de questions existentielles si on n’est même pas sûr d’exister et qu’on est au moins certain de ne pas perdurer ?
Si la vie est une maladie incurable, où trouver la force et l’envie de vivre pleinement sa maladie ?
Et les nausées repartaient de plus belles…
Il passa outre ces interrogations… Il s’efforça de sourire face à cette brune inconnue au salut matinal chaleureux et séduisant.
Mais ces efforts étaient vains.
Force était de constater, que tous ces aléas de cette maladie incurable de la vie lui prirent le sourire… et pour longtemps.