Les fidèles du Boukornine

dimanche 13 avril 2008

Pas nés sous la même étoile


Omar vient de fêter ses dix-sept ans. Pour l’occasion, sa mère lui a promis que si la guerre ne tardait pas à finir, elle s’empresserait de lui acheter un cadeau exceptionnel en guise de consolation des innombrables anniversaires qui n’avaient pas connu de dénouement aussi heureux. En attendant, Omar, qui n’allait plus à l’école depuis déjà quatre ans, et qui jouissait d’une insouciance très enviable, relativement s’entend, vu le son des roquettes qui s’abattaient souvent sur sa ville chiite du centre de l’Irak, et qui l’empêchaient de faire la grasse matinée de peur de ne plus jamais se lever.

En fils exemplaire, il ne rechignait jamais à aller faire les courses pour sa mère, surtout que dans cette atmosphère explosive, la sortie de la femme hors de son cocon familial ne serait pas du tout raisonnable dans ce pays de nature sexiste.

En dépit de toute cette violence, Omar jugeait toujours qu’il n’était pas très à plaindre tant qu’il était encore en vie et dépourvu de tout handicap. Mais l’éblouissant spectacle fourni par les tirs des F-16 des forces internationales, qui illuminaient le ciel irakien à la recherche de terroristes disséminés, semblait lui répéter qu’il ne perdait rien pour attendre.

Nous comprîmes enfin la portée de ces mots quand les tirs « chirurgicaux » ont commis une faute médicale grave qui aurait pu leur coûter le bannissement à vie du conseil de l’ordre des médecins s’ils étaient en exercice dans un autre pays. En effet, le père de Omar tétraplégique depuis une dizaine d’années semblait avoir été jugé comme étant une menace pour l’intégrité de l’Irak moderne et par conséquent les avions de chasse ont pris la peine de ratisser sa maison exterminant toute forme de vie dans le quartier car paraît-il la terreur est une maladie génétique pouvant être contagieuse, selon les dernières informations. On peut désormais affirmer avec certitude que le dix-septième anniversaire s’ajouterait donc à la liste contenant déjà ses seize prédécesseurs dans lesquels le père Noël n’était pas invité.

C’est à ce moment précis, que l’adolescent tunisien du quartier huppé de Gammarth éteignit machinalement la télévision, qui retransmettait les dernières images de la guerre en Irak, vu que son cœur trop fragile ne pouvait supporter de telles atrocités et aussi par ce qu’il était temps de sortir, ses amis l’attendaient sûrement, à l’heure qu’il est, au salon de thé du coin. En prenant l’ascenseur, le fils de riche se regardait dans la glace avec admiration et se demandait avec inquiétude si sa nouvelle coupe de cheveux allait plaire à ses compagnons. Un sourire se profilait, soudain, sur ses lèvres en faisant la constatation que lui et Omar n’étaient sûrement pas nés sous la même étoile…


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