Les débats d'après 14 janvier sont comme une fripe, on y trouve de tout mais surtout de la camelote.
Alors, dans cette friperie idéologique on est parfois tenté de raccrocher, de devenir apolitique et de faire de la situation actuelle du football tunisien sa plus grande préoccupation.
Cependant, parfois, la nostalgie de l'époque où l'on débattait de tout sans aucune peur ni aucune vergogne refait surface et nous revoilà.
La scène politique et sociale en Tunisie est actuellement secouée et très divisée sur un interminable débat autour de la laïcité.
Rien de plus légitime, me diriez-vous ? Ou encore, c'est un indicateur de bonne santé sociale si le peuple se met à réfléchir et à prendre position ?
Peut-être, oui... Mais le problème c'est que ça vole très bas coté arguments et les gens ne maitrisent aucunement la question.
Par ailleurs, des manifestations pour la laïcité sont sévèrement réprimées par d'autres manifestants qui jugent cette prise de position blasphématoire, des femmes sont traitées de trainées pour peu qu'elles aient manifesté, des gens sont agressés au nom de l'islam et Dieu sait combien il en est innocent et des vidéos circulent sur le net affichant des personnes qui ridiculisent les laïques avec un humour digne d'un écolier en cour de récréation.
Je ne vous cache pas que je suis pour la laïcité et que je ne perçois aucune autre voie du salut pour notre nation que sous un gouvernement laïque.
Maintenant, essayons de comprendre le sens de la laïcité dans le calme et loin de ce climat de chasse aux apostats. Nous sommes des gens supposés civilisés, Bon Dieu !
Commençons alors par dépassionner le débat.
La laïcité veut dire séparation entre autorité religieuse et état dans la gouvernance d'un pays et ne désigne en aucun cas l'athéisme. Je suis musulman et je trouve que l'islam si pur et si spirituel n'a pas à se prostituer dans un milieu répugnant comme la politique. La compréhension de ce principe est essentielle pour le reste du débat. Parce que si tu me taxes de renégat au premier désaccord, il est clair que tu es loin de m'accorder le respect minimum nécessaire pour une discussion civilisée.
Je défend farouchement cette position vu que les exemples dans l'histoire d'ingérence des religieux dans les affaires de l'état se sont tous soldés par un échec cuisant ,une décadence à n'en plus finir et une réduction franche et affligeante de l'espace des libertés individuelles.
Où sont les revendications des anti-laïcité ? Garder l'islam comme religion de l'état tunisien dans le premier article de la constitution. Bien sûr !
Ceci est un fondement de la constitution. Beji Caïd Sebsi a même qualifié ce point de "ligne rouge à ne pas franchir".
Où est le problème alors ? Appliquer la chariâa ?
Tu veux qu'on coupe les mains aux voleurs avec une taille à la coupe proportionnelle à la gravité du vol ? Qu'on décapite les assassins en pleine place publique sous l'étendard du Qasas ? Tu veux qu'on lapide à mort les femmes adultères en prenant soin de choisir une taille moyenne pour les pierres pour faire le plus mal sans tuer trop rapidement ?
Il faut garantir les libertés individuelles dans cette patrie connue depuis des millénaires pour sa tolérance à toute épreuve. C'est un énorme bond en arrière que de fermer les maisons closes. Ce serait un acte d'autant plus liberticide si on empêchait les gens de se bourrer la gueule dignement.
Le code du statut personnel est sacré pour moi et pour tous les tunisiens qui savent respecter l'histoire de cette nation. C'est une fierté nationale, un acquis considérable que nous envient tous les autres pays plus ou moyens ouvertement. Le Maroc par exemple bataille jusqu'à ce jour pour essayer de garantir le dixième des libertés dont jouit la femme tunisienne depuis le 13 aout 1956.
Pour garantir les libertés individuelles et contrecarrer les courants salafistes qui fantasment sur une Tunisie "talibanesque" nous nous devons de protéger la laïcité.
Je vois que concernant l'application de la laïcité, les rumeurs vont bon train.
Les horaires spéciaux au cours du mois de ramadan seront maintenus.
Les fêtes religieuses seront encore et toujours fériées comme c'est le cas en France vu qu'ici bas, l'islam est la religion de majorité écrasante.
L'éducation islamique sera encore et toujours enseignée.
La femme pourra à souhait porter un hijab ou un string (ou les deux à la fois) sans être inquiétée pour autant.
En gros, arrêtons de diaboliser les laïques en dépeignant des ivrognes libertins athées et irrespectueux des mœurs et coutumes. C'est trop caricatural et le peuple tunisien est intelligent pour croire à ces niaiseries.
La Tunisie est un pays musulman certes mais la laïcité est un principe qui est là pour être érigé comme rempart à l'obscurantisme et aux éventuels aléas de notre jeune expérience démocratique.
Je ne trouve pas que cette dualité d'un état laïque dont la religion est l'islam est de l'ordre de la schizophrénie, loin de là. Les deux principes peuvent très bien s'épouser et cohabiter en toute harmonie.
Mon frère quand tu diffères de moi, que tu te prosternes pour Allah, Dieu ou le néant c'est un choix personnel et je ne te jugerais jamais pour tes orientations religieuses. Mon frère si tu bois de l'eau minérale, ou de l'alcool, que tu fais vœux de chasteté ou que tu fais de tes organes génitaux un fond de commerce, loin de me léser et parfois loin de m'enrichir (contrairement au petit prince) tu m'en vois souvent indifférent
Mais bien heureux de voir que tu peux exister avec la manière qui te chante sans craindre pour ta vie, pour ta dignité ou pour ton intégrité physique.
Pourquoi maintenant parler de faux débat ?
Tout simplement parce que si les deux parties s'attablaient et discutaient dans le calme et la sérénité je suis sûr qu'au lieu de la violence dont ils font preuve actuellement, ils en sortiraient avec beaucoup d'amour, de compréhension et d'accord dans le respect mutuel.
A bon entendeur !
P.S: Je m'excuse si l'organisation de ce texte est quelque peu anarchique. Je suis dans un piteux état. Cloué au lit depuis deux jours.