Les fidèles du Boukornine

samedi 7 juin 2008

L'erreur de la nature


Amira se rend pour la énième fois à son lycée pour assister à un cours d’éducation civique avec le même désintéressement qu’elle a su garder tout au long de sa scolarité. Une journée ordinaire qui ne semble nullement aspirer à sectionner le rythme soporifique de sa vie.
Elle rentre en salle de cours, se place au fond de la salle en parfait cancre de sa classe. La prof débute sa leçon. Il semble qu’il y a un problème de son car notre élève n’entend rien à ce qui se dit, ne saisit aucune phrase. En fait, elle n’arrive à percevoir que le son de la voix de sa maîtresse qui ne fait que conforter ses interrogations à propos de l’utilité d’avoir quitté son lit en cette matinée hivernale.
Quelques minutes plus tard, un surveillant fait irruption dans la salle, prévient la responsable qu’un contrôle sanitaire ordinaire allait commencer et qu’il fallait qu’un nombre d’élèves l’accompagnent à l’infirmerie. Le nom d’Amira fut cité.
Arrivé à bon port, le médecin effectuait méthodiquement son examen scolaire, appareil par appareil. Puis, il lui donna une feuille lui confiant qu’elle devait l’utiliser pour prendre l’avis d’un endocrinologue, « un simple examen de routine » lui avait-il promis.
Le lendemain sa mère l’emmenait, comme prévu à ce deuxième docteur qui avait l’air tellement chagriné en lisant le maudit bout de papier.
Il avait décidé de lui faire un prélèvement sanguin pour doser les DHT et les testostérones après lui avoir administré du HCG en 1500 unités/ 2 jours à répéter sept fois de suite.
Les résultats étant prêts, le professeur agrégé appela la dame et lui demanda d’arriver seule à l’hôpital. Elle était toute confuse, toute inquiète pour sa fille.
Arrivée, il lui déclara d’un air grave que sa fille était atteinte d’un déficit en 5 alpha réductase de type 2. Elle ne comprit rien du tout. C’est alors qu’il lui expliqua que sa fille était en fait un garçon qui était atteint d’une maladie rare appelée pseudohermaphrodisme masculin et que, comble de la malchance, sa maladie était passée inaperçue pendant toutes ces années alors que le plus souvent le diagnostic se faisait à la naissance.
La brave femme était anéantie. Comme allait-elle expliquer à sa fille unique ce fait inavouable. Devrait-elle tout lui cacher ? Comment cette maladie rarissime a-t-elle pu préférer a tous les autres enfants du monde. Le ciel s’était abattu sur elle.
Amira ayant entendu parler de cette affaire. Ayant compris qu’on aurait du l’appeler Amir. Elle était fort confuse et on peut très bien la comprendre après tout. Toutes ces années passées vainement à vénérer les barbies et les trousses à maquillage. Ce rêve qu’elle cultivait dés son jeune âge comme ses congénères, de voir un jour ce prince charmant apparaître et la délivrer de cette routine qui ne correspondait pas à ses aspirations. Mais là, c’est elle qui s’était transformée soudainement en prince charmant et elle n’avait ni l’expérience ni la préparation psychologique pour jouer ce rôle ô combien angoissant. Amir se devra aussi désormais de porter un plus grand intérêt au football et au sport en général pour être le plus masculin possible, pour essayer de s’imprégner de cette culture qui fait des hommes ce qu’ils sont.
Il allait subir dans quelque temps une intervention chirurgicale visant à le classer définitivement parmi les porteurs des chromosomes sexuels XY. En attendant, Il restait chez lui ne sachant plus ce qu’il devait faire ni où il devait aller. Il espérait de toutes ses forces que ses voisins n’en sachent rien car il était convaincu que s’il laissait s’échapper même une bribe d’information, le monde s’acharnerait à lui pourrir la vie davantage.
L’opération était programmée pour la semaine prochaine. Mais sa mère ne s’était pas retenue. Il fallait qu’elle aille voir sa voisine et tout lui raconter. Le secret devenait trop grand pour elle. Le lendemain tout le quartier était déjà au courant comme chez nous les médisances circulent à une vitesse nettement supérieure à celle de la lumière.
Amir était démoli par ce regard méprisant. Il l’avait compris tout seul en remarquant que tout le monde lui tournait le dos et que même sa meilleure amie Amina avait tiré un rire sournois en le voyant passer. Il n’attendait plus rien de personne. Il était fini. Et finalement tout cet espoir porté sur la chirurgie était infondé selon lui, car même si en apparence il allait ressembler un peu plus à un garçon et avoir par conséquent un sexe définitif à cocher sur les demandes administratives mais il resterait vraisemblablement stérile. Il sera privé de tellement de joies. Et qui voudra de lui comme prince charmant maintenant qu’on sait tous que c’est un garçon contrefait par la nature. Il avait le morale à zéro comme la coupe de cheveux qu’il s’était faite qui montre bien qu’il ne s’acceptait pas tel qu’il était. Comment pouvait-il donc espérer être accepté par les autres ?
La veille de l’opération la mère de notre cher Amir tapa à la porte de son fils pour le réveiller et l’emmener à l’hôpital où il passera la veille du jour J en observation. Mais personne n’ouvrait, elle força la porte et trouva une mare de sang tout prés du lit de son fils.
Toute affolée, elle emmena son rejeton d’urgence à l’hôpital où on lui confia dés le départ que son fils était déjà mort.
Il aura donc préféré se donner la mort par un coup de lame dans son poignet se vidant tranquillement de son sang et se libérant avec une célérité grandissante de ces regards qui refusent à tout être humain sa différence. Il avait eu tout simplement le tort de n’être pas comme ses amis. Il était COUPABLE. Il méritait bien ce qu’il lui est arrivé selon cette société maudite qui considérait sa mort comme un châtiment légitime face à l’accusation qui lui incombait.


P.S : La maladie est bien réelle. La haine de la société pour ces gens l’est tout aussi. L’histoire part de faits réels. Cette même réalité qui dépasse largement la fiction.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Notre société, comme l'est toute société du tier monde, a besoin d'une éducation et d'un encadrement culturel et moral. Ces gens atteints de maladies rares font partie d'un large groupe marginalisé et dont la voie a besoin d'etre cultivée et entendue. Tout peut etre déclenché par une histoire poignante comme la votre...

Khalil a dit…

La société n'a aucun scrupule à condamner des innocents que la vie n'a pas gaté dés le départ avec ces malformations congénitales. Si on écrit et qu'on se donne autant de mal à imaginer des histoires qui sentent le réel c'est surtout pour que cette société se bouge, qu'elle se rende compte du tort qu'elle cause. Cependant, je reste conscient que plusieurs siècles de préjugés ne peuvent aucunement être démolis en quelques lignes. Tout de même, espérons..

Anonyme a dit…

Le tiers monde n'a rien à voir dans ce drame, la mère a mal réagit, il faut savoir garder sa salade interne à l'intérieur et ne pas trop divulguer sa vie privée.

Un cas similaire est apparu en Europe mais on a su le gerer.

La mentalité ne changera pas en tunisie meme au fils des années et c'est ce qui est triste.