Les fidèles du Boukornine

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mercredi 16 février 2011

Mohammed Bouazizi, vendeur de clémentine à la sauvette...



Le monde se souviendra qu'un vendredi 17 décembre, il faisait beau dans une contrée perdue du centre de la Tunisie elle même perdue entre deux géants pétroliers baignant dans un bassin méditerranéen juste assez épais pour séparer le rêve occidental du calvaire africain.

Sur les manuels d'histoire pour lycéens djiboutiens le nom de Bouazizi côtoiera sans aucun complexe celui de Che Guevara.

Mohammed Bouazizi jeune vendeur de clémentine à la sauvette, bachelier qui lutte corps et âme pour sa survie et celle de ses prôches.

Tout le monde se rappellera de l'effet papillon qui a fait qu'une gifle sur la joue de Mohammed Bouazizi ait pu provoquer une tornade qui fera trembler tous les  trônes vieillissants de la planète.

Mohammed Bouazizi, jeune vendeur de clémentine à la sauvette attaqué sauvagement par la police municipale en la personne de cette jeune femme qui l'a giflé et lui a craché dessus en lui confisquant sa marchandise, sa charrette et sa balance puisque ce commerce est illégal.

Mohammed Bouazizi, jeune vendeur de clémentine à la sauvette est face au siège du gouvernorat de Sidi Bouzid pour réclamer son dû. Le gouverneur n'a pas daigné écouter ses doléances.
Il réitère sa demande mais il se confronte à la rigidité de la bureaucratie.

Mohammed Bouazizi, jeune vendeur de clémentine à la sauvette s'en fout de la bureaucratie, il l'a hait de toutes ses forces même s'il n'a pas lu Kafka.

Mohammed Bouazizi, jeune vendeur de clémentine à la sauvette dont la dignité a été violée en public, regarde cet édifice érigé en face de lui. Il sort une boite d'allumettes de sa poche trouée. Il sait qu'il a rendez-vous avec l'histoire.

Cependant, Mohammed Bouazizi, jeune vendeur de clémentine à la sauvette dont la photo fera le tour du monde, hésite encore.
S'immoler est un acte doué d'une inégalable symbolique mais s'immoler est doué d'une activité douloureuse des plus atroces.

Mohammed Bouazizi, jeune vendeur de clémentine à la sauvette a tout perdu même s'il pense que du haut de ses vingt six misérables années, un avenir plus misérable l'attend fait de crise économique, d'habits fripés, de manque affreux de moyens mais aussi de gifles, de crachats et de dignité piétinée par des moins que rien.

Mohammed Bouazizi, jeune vendeur de clémentine à la sauvette regarde Dieu en face et lui demande pardon. Il a décidé de se sacrifier pour son honneur, celui de sa famille, de son quartier, de sa ville, de son gouvernorat, de sa région, de son pays et surtout de celui de l'humanité entière.
Il prend une allumette la frotte contre une surface rugueuse d'où nait une flamme qu'il rapproche de ses habits 100% polyester, 100% inflammables.
Un corps prend feu, Sidi Bouzid s'embrase.
Le corps hurle, Mohammed Bouazizi agonise, accouchement laborieux d'un nouveau peuple, d'une nouvelle histoire, d'une dignité retrouvée et d'une volonté contagieuse de se soulever contre la dictature.
La rue est prise de compassion et de solidarité pour cet être sacré qui est venu les délivrer de la peur de leur oppresseur et de la crainte de leurs bourreaux.
S'en est suivie une glorieuse histoire au bout de laquelle les méchants fuient en Arabie Saoudite tour à tour alors que les méchants en sursis sur leurs trônes prennent des mesures sans précédent de libéralisation en écrivant leurs directives d'un stylo tenu entre deux doigts tremblotants.

Un mouvement planétaire d'émancipation des peuples a vu le jour, et au fil des semaines, l'humanité réécrit son histoire en déchirant les dictatures et en raturant les noms des corrompus.

Hommage à l'homme qui a changé le monde armé d'une seule boite d'allumettes et de sa foi en l'humanité.
Hommage à la charrette, hommage à la balance, hommage à la clémentine, homme au 17 décembre, un jour béni des dieux.
Hommage à la police municipale, hommage aux crachats, hommage aux gifles, hommage aux balles réelles, hommage aux BOP, hommage aux tortionnaires, hommage aux sous-sols du ministère de l'intérieur.

Hommage à ces flammes qui ont embrasé un corps innocent, incendié notre patience, réduit notre peur en cendres, émoustillé notre rage et éclairé notre voie.

Hommage à Mohammed Bouazizi, Tarek de son vrai prénom, jeune vendeur de clémentine à la sauvette, premier martyr de la révolution des hommes libres et initiateur de la prophétie de la dignité qui emportera le machiavélique Ben Ali et le tentaculaire RCD avant de faire exploser toutes les autres dictatures du monde, telle une bombe à fragmentation.

Repose en paix Mohammed Bouazizi, vendeur de clémentine à la sauvette, mon héros et celui de toute une nation.

mardi 22 décembre 2009

L’amour d’un club…




Avoir un diplôme d’ingénieur ou d’apprenti médecin en poche et avoir comme passion un club sportif.

Accepter sans trop se poser de questions qu’on te fouille avant d’accéder à tes gradins de prédilection.
Tout y passe.
Aucune intimité.
Même les zones sensibles du corps humain sont palpés soigneusement de crainte de te voir faire passer des armes de destruction massive parait-il.
Il n’est pas rare non plus de se voir obligé d’ôter ses chaussures en plein hiver.
Sécurité oblige. (Encore parait-il)
D’après nos informations, c’est la dernière méthode en vogue pour déceler les armes chimiques à type d’odeur nauséabonde. (Bravo pour l’innovation !)

Ressentir un plaisir quasi-jouissif rien qu’en usant ses cordes vocales dans l’unique dessein de soutenir son club jusqu’au bout.

Avoir une voix enrouée pendant toute la semaine qui suivra.
En être fier.
Parler pour ne rien dire afin que les autres se rendent compte que tu es de cette espèce noble qu’on appelle communément : Les fans.

Les fans sont des révoltés.
Les fans n’ont pas peur d’avaler des coups sévères livrés en bonne et due forme par des « bac moins dix » voire même des moins que rien.
Les fans, en entrant au stade qui est leur arène, ne lésinent pas sur l’effort pour cracher leur haine du système, pour dire leur mécontentement que leur inspire leur quotidien.

Ils le font souvent avec humour.
Un humour très corrosif, qui ne serait pas du gout de tout le monde.
Surtout, il faut le reconnaître en employant des termes choquants. Des termes évoquant les organes de certains des protagonistes du match en cours ou de leurs mères…
(Ce ne sont que leurs mères footballistiques m’a fait entendre un ami, une fois)
L’arbitre peut en attester, en « tête de turc » officiel de tous ces fanatiques du ballon rond.

Le fan est un être viril. Mais qui ne sait pas cacher ses larmes.

Il pleure pour exprimer sa joie ou sa peine. Tout dépend des circonstances.
D’autres préfèrent s’évanouir.
Les gouts diffèrent ici bas. On n’est pas là pour les discuter.

Quand les 90 minutes finissent par s’écouler. Le fan n’a pas encore fini son match.

Sa rencontre à lui dure des journées entières.
Des semaines parfois, de bonheur, d’amertume ou de migraine résistante à toutes les thérapeutiques usuelles.

Le fan est un passionné qu’on se plait à réprimander parce que le fan lambda a des diplômes mais très rarement des connaissances qui stimuleraient le respect enfoui au tréfonds de nos amis bourreaux.

Les joueurs dans tout cela ?

Les joueurs se gavent d’alcool et de produits illicites et dorment en toute quiétude, qu’importent les résultats tant que la paye de la fin du mois arrive en temps et en heure.

Ils se foutent de marquer ou de mettre à coté une balle inratable.
Quoiqu’ils doivent parfois se mordre les doigts pour une prime de victoire qui leur est passée sous le nez.

Le fan n’est pas dupe, il le sait et vit avec.
Sa passion est une maladie incurable qui réduit considérablement son espérance de vie.

Le fan meurt jeune pris d’une « crise cardiaque » en plein sommeil ou au mieux dans des gradins archicombles entre les siens.
C’est alors l’apothéose, la fin en toute beauté. Le martyr, arrivent à affirmer certains.

La société voit ces fans comme des bandits des moins que rien voire des êtres dénués de toute raison et de toute politesse.
Au contraire, je vois ces fans comme un signe de vitalité pour la société qui se donne tout ce mal à les héberger.
Parce que contrairement à beaucoup de leurs compatriotes, les fans forment une catégorie qui est parvenue tant bien que mal à exister.