Les fidèles du Boukornine

mardi 6 juillet 2010

Beb Saâdoun, au carrefour des civilisations




Midi et quart, à Beb Saâdoun, il fait tellement chaud que l’on se demande si Dieu ne nous envoie pas prématurément en enfer à cause notamment du dépôt de bière qui n’est pas très loin de ce portail à l’allure imposante qui fait partie des rares vestiges de ce vieux Tunis que feu Bourguiba a daigné nous laisser.

Un vieil homme qui apparait comme abasourdi, reste debout, le regard vide, fixant le néant. Le visage miné de tâches noires qui semblent s’être explosées en rides lui couvrant la quasi-totalité du visage.
Pourtant, il n’est semble s’en inquiéter outre mesure. 
A la Marsa, des vieux de son âge de ce début de millénaire auraient plongé sans se poser de questions dans un sceau de crème antirides de marque Yves Rocher (ou d’autres marques déposées que je ne citerai point par pure ignorance).
Mais à Beb Saâdoun, on sait pertinemment que les crèmes antirides sont faites pour les femmes et les pédés.

Il regarde ébahi ce rond-point peu commun pris d’assaut de toute part par des voitures de différentes envergures. Ici c’est la loi de la jungle.
Le lion, l’indétrônable roi est joué par les Isuzu et autres voitures à la carcasse solide et dont les pièces détachées se vendent même chez l’épicier du coin.

Les proies privilégiées dans cette arène où se joue des drames au vu et au su de tout le monde, ne sont autres que les voitures de luxe ou les nouveaux véhicules.

Notre vieil homme étend le regard et voit affluer des marrées humaines vers la colline supportant l’hôpital Salah Azaiez, l’hôpital d’enfants et l’hôpital Zouhaier Erraies.

Certains de ces patients marchent en donnant l’impression de danser, en balançant les épaules, assurés de la bénignité de leurs maladies et confiants quant au nombre d’années qui leur restent à vivre.

D’autres, arrivent la tête basse et la démarche lasse. Leur bourreau, c’est leur maladie. Ils le savent, ils le sentent et ils l’on déjà saisi.
A la buvette de Salah Azaiez, ils se gavent de Kaftejis… Ils n’ont aucunement peur de raviver leur acné juvénile.
Leur apparence, c’est aujourd’hui le cadet de leurs soucis.
Ils voient tous déjà défiler leurs enterrements. Au cimetière surpeuplé du Djellaz (pour les plus chanceux), il y aura tous leurs proches qui les pleureront, même ceux qu’ils n’ont vu que sur les photos de famille et leurs amis mais spécialement tous leurs ennemis qui viendront triompher sur leurs tombes sous l’abominable masque des larmes préfabriquées pour ce genre d'heureux dénouements.

Des fonctionnaires désabusés du ministère de la santé qui fait le coin, prendront tout leur temps pour se garer avant de répéter à tue-tête à ces citoyens crédules de « revenir demain » pour ne pas déroger à l’inévitable règle qui régit les interactions citoyen-administration dans tout le pays du Botswana (1.800.000 habitants, faut-il le rappeler et un succès fulgurant face aux poussins de Carthage) et d'ailleurs.

A bord d’innombrables Polos et 206 Peugeot (de couleur noire de préférence), des étudiants de médecine escaladent ce mont vert avant de tourner à droite pour accéder à cet édifice majestueux, qui abrite la plus prestigieuse des institutions universitaires du pays, j'ai nommé: La FMT.

Toujours est-il, que beaucoup se feront recaler faute de macaron. Vous savez, cette incroyable invention faite par l’être humain pour pourrir inutilement la vie de son prochain.
D’ailleurs, le gardien se fait un point d’honneur à faire baver ces étudiants arrogants, qui plus est, sont riches, beaux (Je sais mesdemoiselles, ce n'est pratiquement jamais le cas, donc disons charmants pour ne pas les froisser), souriants, et intelligents…
Il leur aurait volontiers explosé la tranche un par un. Malheureusement, ce n’est point permis.
Il se console comme il peut, arborant un splendide sourire brun-jaune digne des sadiques de la pire des races.

Le vieillard toujours stupéfait, lance finalement un regard furtif à ce petit commerce qui fait le coin à sa droite.
Ouvert 24/24. Vendant toutes sortes de produits alimentaires. Faisant presque constamment salle comble.
Il l’envie de toutes ses forces, parce que comme lui le proprio n’a pas du aller très loin dans ses études. Mais contrairement à son humble personne, le détenteur de ce projet a réussi.

Veuf, fauché et surtout sans enfants à la dernière ligne droite de sa vie. Il mourra certainement seul.
Mais ce n’était pas de sa faute. C’est cette femme qu’il avait choisi pour épouse qui était stérile.
Il en a la conviction même si aucun test objectif n’est venu étayer son diagnostic.
Mais, autrement ce serait lui le fautif et sa virilité en prendrait un vilain coup.
Comme si ne lui avoir jamais donné d'enfants n'était pas suffisant, cette bonne femme a eu le mauvais gout de le quitter prématurément pour un monde (présumé) meilleur.

Sous ce soleil, féroce, sournois et maladif. Irradiant le vieillissement des peaux et la cancérisation au lieu d’émettre la bonne humeur, notre héro du jour succombe à son insolation et tombe dans les pommes.
C’est ainsi, naturellement que s’achève notre récit. (Et aussi particulièrement vu qu’il est temps d’aller se coucher avec les nuits écourtées qui se succèdent. Mais cela, voyez-vous, ne nous regarde pas et ne figure ainsi, jamais sur des textes sérieux)

3 commentaires:

oussama kebir a dit…

el hedi errais :-) wella zouhair :-D

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Khalil a dit…

:)))) tu vois bien où ai-je la tête à cette époque de ma vie :))