Les fidèles du Boukornine

mercredi 28 octobre 2009

Offre alléchante au pays du bonheur absolu : un sidéen pour conjoint

Le Certificat Médical Prénuptial, à priori un gage de sécurité pour tous les chanceux de ce monde qui ont vu chez un être humain la douceur et l’amour que devrait fournir une moitié digne de ce nom.

En effet, il n’est délivré qu’après avoir pris connaissance des résultats d’examens cliniques et paracliniques destinés à rechercher une quelconque pathologie contagieuse que couverait l’un des présumés futurs-époux.

Jusque là, vous vous demandez probablement la raison d’être de ce texte vu que le commun des mortels est déjà initié à ce genre d’informations basiques.

L’immense problème, chers amis, comme l’indique le titre de ce billet, c’est que le dépistage du VIH, virus responsable du SIDA, (pour ne citer que cette pathologie) n’est pas de pratique courante en Tunisie dans le cadre du Certificat Médical Prénuptial.

Ce qui m’a poussé à tirer ce signal d’alarme c’est cette dame qui s’est présentée aux consultations externes du service d’infectiologie et chez qui on a retrouvé le VIH.
Il s’est avéré par la suite que même sa fille portait dans son sang cette bombe à retardement.
Et en poussant plus loin les investigations, on a compris que le mari avait reçu un certificat prénuptial affirmant qu’il pouvait se marier sans risques alors qu’il était séropositif pour le Virus de l’Immunodéficience Humaine.

Destin tragique pour une femme que le système sanitaire a trompé.

Cependant, tout le monde peut exiger que le dépistage du VIH figure dans la liste des examens à réaliser.

Exigez donc, votre droit de vivre !
Parce que le SIDA tue…
Parce que le système sanitaire tue…
Parce qu’un citoyen averti en vaut bien deux.
Parce que le SIDA n’a pas de visage ou alors celui d’un sourire éclatant voire même d’un corps alléchant.
Pour finir parce que… La confiance dans ces circonstances n’est qu’une bêtise d’une infinie naïfeté.

vendredi 16 octobre 2009

Songes et élucubrations

Porter tous les maux du monde, pâtir de toutes les peines.
Etre réduit au statut de simple spectateur impuissant d’un spectacle ennuyeux, d’une merde ornée de paillettes à laquelle on peine à prendre gout.

Marcher seul en silence avec pour unique compagnie un désespoir incommensurable et une haine démesurée.

Mâcher ses mots et les avaler parce que personne ne comprendra.
Parce qu’on parle une autre langue.

Voir dans tous les murs du monde, dans tous les entractes et des chapitres inachevés, des chansons tristes, un son mélancolique de piano vieilli et délaissé.

Ecrire pour unique amour.
Ecrire pour unique raison.

Ecrire comme pour mourir et renaître entre les dents des insectes nécrophages.

Aucune envie de pleurer car plus de force et plus de volonté.
Juste l’envie de marcher seul en silence, tout aussi désespéré.

Laisser un cœur qui ne sait de l’amour que la fougue des héros romanesques, communiquer avec une lune irréparablement navrée de l’écouter.

Se laisser prendre dans les draps de la solitude.
Ne surtout pas s’obstiner à quitter trop vite son exil.

Parce que dans son bagne on peut déguster du Brel, apprécier Baudelaire et trouver Aznavour trop joyeux de s’exprimer.

Demain est un autre jour, demain est un jour nouveau.
Dans son esprit anesthésié, sa créativité muselée ou sa liberté piétinée… Le mieux n’est-il pas de se laisser dévorer par l’insatiable envie d’exister ?

lundi 12 octobre 2009

La vie tranquille des gens des urgences…



Dans ce couloir lugubre truffé de chambres qu’on se plait à dénommer box, s’entassent des dizaines de malades.
Le lendemain, ils auront soit eu trop peur pour leur vie, soit eu le bon reflexe juste à temps soit pas assez de veine pour passer ce cap aigu en toute sécurité.

Mais la majorité écrasante s’accordera à affirmer que pour un pays classé premier au Monde Arabe et en Afrique dans un certain classement basé exclusivement sur la qualité de vie, c’est quand même curieux de se retrouver dans ces conditions tellement lamentables dans ce qui est considéré comme étant une grande artère du secteur médical du Grand-Tunis.

Ahmed un jeune habituellement souriant d’el Mallassine, simplement heureux de vivre qu’importait sa condition, se trouvait étendu aux côtés des innombrables Mohamed qui se tordaient de douleur en silence et des infinies Fatma qui piquaient leurs crises d’hystérie (ou crises H dans le jargon médical), tranquillement sous les regards à la fois effrayés et compatissants des Mehdi et des Samira qui les accompagnaient.

Il se faisait vraiment tard.
Dehors, ce n’eut été ces circonstances, on aurait pris un malin plaisir à apprécier une tasse de thé pour mieux être submergé par la quiétude de ce silence qu’on ne pensait jamais atteindre ce coin du monde malmené par les klaxons des taxis qui l’envahissent d’habitude, cette espèce de conducteurs hélas étrangère à toute forme de patience.

Ahmed perdit définitivement le sourire. Il fallait le comprendre le pauvre avec treize coups de couteaux qui lui ornaient l’abdomen et le thorax, on ne pouvait pas lui demander davantage de compréhension.

Pouls filant, tension imprenable, arrêt cardiaque… Réanimation acharnée…
Le patient récupère… Mais son cœur insiste pour avoir le dernier mot.
Heure du décès : 3h55.
Le braquage à l’arme blanche a eu raison de son âme.
Le médecin urgentiste impassible, coche la case obstacle à l’inhumation du certificat médical de décès et réclame de ce fait une autopsie.

Pourtant, à ses débuts, ce médecin pleurait toutes les larmes de son corps à chaque mort à laquelle il était confronté.
Le jour de l’aïd el kebir, il refusait d’assister à l’assassinat de cette créature innocente qui avait simplement eu le tort d’exister.
Aujourd’hui, le terme « mort » ne signifie plus pour lui qu’une place vacante de plus dans les lits du service. Ceci ne veut aucunement laisser croire qu’il n’était pas compétent ou qu’il se désintéressait de la vie de ses malades. Bien au contraire, il s’obstinait à donner le meilleur de lui-même pour assurer la survie de chaque patient qui le croisait.
Mais à voir autant de morts, c’en devient naturellement banal. La fibre sensible s’anesthésie et finit par succomber sous le poids de l’expérience.

Il est aussi des nouvelles apaisantes émanant de cet édifice plus angoissant que la villa d’Amityville, Les Mohamed n’avaient rien de grave et sont retournés chez eux avec une simple prescription d’antalgiques.

Les crises H et leurs spectaculaires théâtralisations ont fini par s’estomper. Les familles des malades ont compris que ce n’était autre qu’un signal d’alarme et un appel à l’aide.
Ils rentreront épaulés, se tenants les mains dans une ambiance des plus fraternelles.

La vie continue dans le service des urgences et suit son cours inéluctable sous le regard bienveillant des blouses blanches.

Le personnel au cours des rares périodes d’accalmies sortira prendre l’air et boire un café pour faire semblant d’adhérer à la tranquillité de ce qui reste de la nuit en attendant une autre vie à sauver…